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fertilité inouïe sont dominés par des plateaux d’une attristante aridité, est le siège du premier groupe d’ouvriers languedociens. La masse de la population y est employée soit à des travaux exclusivement manufacturiers, soit à la production et aux premières préparations de la soie. Nîmes sur la lisière du sud, Alais et Viviers vers le nord, Le Vigan au centre, Ganges du côté de l’ouest, et vingt autres localités moins importantes, disséminées çà et là, y partagent leur activité entre ces deux branches du travail industriel.

Nîmes, qui, entre toutes les autres villes de ce district, représente avec un éclat incomparable la production manufacturière, est bâtie sur le revers de sept collines conservant le nom général de Garrigues, et dont les sommets la dominent au nord-ouest, tandis que la vallée du Vistre s’étend à perte de vue à l’est et au midi. Cette ville en renferme pour ainsi dire trois entre ses murailles. La vieille cité romaine, dont les magnifiques vestiges rappellent tant de grandeurs évanouies, excite dans l’âme une admiration mêlée de tristesse. La ville industrielle, qui avait déjà un rang distingué dans la fabrication française aux XVe et XVIe siècles[1], un moment abattue par la révocation de l’édit de Nantes, reprend bientôt un remarquable essor ; mais sa prospérité s’éteint de nouveau sous la terreur, reparaît avec le consulat et l’empire, fléchit en 1815, se relève ensuite pendant la restauration, et jette son plus grand éclat de 1834 à 1847. Quant à la troisième section de la cité, que nous appellerons, à défaut d’un autre mot, la ville aristocratique, elle renferme, avec quelques représentons de l’ancienne noblesse, cette partie de la bourgeoisie adonnée aux professions libérales, qui tient à rester complètement en dehors de l’industrie.

Sur une population de 53,000 âmes, le travail industriel fait vivre à Nîmes environ 25,000 individus, sans parler des familles qu’il occupe dans les campagnes. La fabrique met en œuvre toutes les matières textiles, sauf le lin et le chanvre, la soie, la laine et le coton, purs ou mélangés, entrent dans ses châles brochés ou imprimés, dans ses tapis, ses articles de bonneterie, ses foulards, fichus, et cravates.

L’industrie des châles, qui reste encore à l’heure qu’il est la plus importante des productions nîmoises, décline cependant depuis plusieurs années, par suite de circonstances diverses. Au moment où elle souffrait déjà de difficultés intérieures inhérentes à la mobilité des goûts publics ou provenant de la rivalité de quelques autres cités françaises, elle s’est vu ravir à peu près complètement ses débouchés

  1. Au XVIe siècle, Nîmes avait obtenu des lettres-patentes et statuts royaux qui lui accordaient, comme à Paris, Tours et Lyon, le privilège d’exercer le commerce, art et fabrique du drap d’or, d’argent, de soie et autres étoffes mélangées.