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de cette objection. Et comment pourra-t-on échapper à ce cercle fatal ? Par les mystiques élans de Fichte ? par le panthéisme de Schelling et de Hegel ? Non ; par l’étude sévère de la réalité : toute la situation est là.

Parmi les écrivains qui travaillent à la solution du problème ; il faut citer au premier rang M. Chalybaeus, M. Hermann Fichte et M. Maurice Carrière ; ils reviennent tous aux faits de l’expérience, à l’étude des sentimens humains, et sans trop se préoccuper de ces antinomies de Kant qui se dressaient naguère comme un épouvantail sur les pas des penseurs ; ils s’attachent à l’examen de la réalité et de la vie. Le commencement de la philosophie, selon Herbart, c’étaient les faits de l’expérience ; mais les faits de l’expérience contrôlés et rectifiés par la métaphysique. Il pensait ainsi réformer Kant, car il admettait avec le philosophe de Kœnigsberg que les facultés de l’homme ne donnaient pas une perception exacte et complète de la réalité ; seulement, au lieu de croire, comme le critique de la raison, que la vérité fût interdite à notre esprit, il attribuait à une réflexion supérieure ; qu’il appelait métaphysique, le droit et le pouvoir de redresser les fausses notions de l’expérience. Il s’en faut que cette théorie se distingue par la précision et la netteté ; n’est-il pas manifeste cependant que cette place réservée à l’expérience est une indication féconde ? C’était un ses principes d’Herbert, qu’il fallait additionner tous les faits, toutes les notions acquises, avant de construire la science philosophique ; il ajoutait même que la philosophie de la religion n’était pas encore possible, l’humanité n’ayant pas jusqu’ici une expérience suffisamment longue de ses destinées religieuses. Voilà certes une bizarrerie singulière, comme il y en a en si grand nombre dans l’incomplet système de Herbart. Cette opinion révèle pourtant le prix que ce penseur ingénieux attachait à la réalité et la crainte qu’il avait des excès de l’idéalisme. L’école qui se forme aujourd’hui éprouve les mêmes défiances et s’entoure des mêmes précautions : c’est là un excellent signe. M. Hermann Fichte, M. Chalybaeus et M. Maurice Carrière consacrent toute leur attention à la vie religieuse et morale du genre humain.

M. Hermann Fichte est le fils du penseur célèbre qui, pour se soustraire aux antinomies du philosophe de Koenigsberg, a fondé l’idéalisme le plus audacieux qui fut jamais. On n’échappe aux dangers de cet idéalisme que par la vigueur naturelle d’une conscience droite, Fichte était une nature austère. Soit qu’il prit son point d’appui, comme son maître Kant, dans un stoïcisme héroïque, soit que sur la fin de sa carrière il puisât sa force morale dans un mysticisme enthousiaste, l’auteur des Discours à la nation allemande a donné pendant toute sa vie l’exemple d’une ame droite et d’un grand caractère. Ces nobles traditions paternelles revivent aujourd’hui chez M. Hermann Fichte. Occupé d’abord de travaux philologiques, collaborateur habile de Boeckh et de Buttnann, M. Hermann Fichte a senti bientôt que sa vraie vocation le portait vers les études où s’était illustré son père. Il avait été tour à tour disciple de Schleiermacher et de Schelling ; mais de secrètes prédilections, qui se comprennent aisément, le ramenaient toujours à ces fortes doctrines morales qui avaient été la préoccupation de l’illustre Fichte. Un des meilleurs travaux de M. Hermann Fichte, c’est la belle et complète, biographie qu’il a consacrée à son père. Si son enseignement à Bonn ne se