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et comme il faut bien que toutes ces semences portent leurs fruits, ce sont aujourd’hui les sociétés démocratiques qui veulent régner et imposer leurs caprices au congrès lui-même. Un triste incident, qui a eu lieu récemment à Bogota, donne l’idée de la situation où est tombée la république grenadine. Le congrès était sur le point de voter une loi de douanes diminuant les droits sur certains objets de luxe entrant dans la Nouvelle-Grenade : très certainement c’était une mesure, empreinte d’un caractère libéral ; mais ici intervient la Société démocratique de Bogota. Ladite société a vu dans une telle loi une atteinte portée aux droits des travailleurs, et dès lors elle a organisé l’une de ces manifestations révolutionnaires destinées à convaincre les assemblées à l’aide du poignard et du couteau. Le jour de la discussion de la loi, les membres de la Société démocratique, envahissaient donc le congrès et signifiaient aux députés qu’ils eussent à abandonner leur projet. Notez que ce congrès lui-même réunit tout ce que la Nouvelle-Grenade compte de démocrates exaltés. Les députés grenadins n’accueillaient pas naturellement du premier coup ces étranges pétitionnaires. Ils cherchaient à parlementer, mais alors une effroyable confusion commençait, et la lutte devenait sanglante, il est difficile de savoir ce qui fût arrivé sans l’assistance énergique prêtée par les étudians de Bogota au congrès, il n’est résulté de cette échauffourée que quelques morts ; mais voilà où conduisent ces déplorables imitations des mœurs révolutionnaires de l’Europe. À l’origine, quelques habiles ont discipliné ces clubs pour s’en servir, et ils s’en sont servis en effet. Aujourd’hui c’est contre eux-mêmes que se tourne cette force redoutable qu’ils ont organisée, et bientôt ce ne sera plus que dans l’excès de l’anarchie et du désordre que la Nouvelle-Grenade pourra entrevoir la possibilité de revenir à une situation plus régulière et plus stable.

CH. DE MAZADE.



UN MEETING

DE LA SOCIETE ROYALE D'AGRICULTURE D'ANGLETERRE.

A M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES.


Londres, 25 juillet.

Permettez-moi, monsieur, d’interrompre un moment mes études commencées sur l’économie rurale en Angleterre, en Écosse et en Irlande, pour vous adresser le récit d’un épisode récent qui se rattache à ce sujet : je veux parler du meeting annuel de la Société royale d’agriculture d’Angleterre, qui vient de se tenir à Glocester pour 1853, et auquel j’ai eu le plaisir d’assister.

La Société royale d’agriculture est une de ces sociétés, si nombreuses en Angleterre, qui existent uniquement par elles-mêmes, ne reçoivent aucun secours du gouvernement, et qui cependant disposent de sommes considérables qu’elles doivent aux contributions volontaires de leurs membres. Fondée en 1838, elle compte à peine quinze ans d’existence, et elle couvre de ses ramifications tout le sol du royaume. Elle se compose de membres à vie et de souscripteurs