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quelques visites à Amsterdam. À l’avènement du roi Louis, il ferma l’oreille aux ouvertures qui lui furent faites. » Soit par un reste de levain aristocratique et nobiliaire, dit-il lui-même, soit par ses principes de démocratie républicaine, il refusa de se mettre à la solde d’un étranger sans droit, sans mérite éclatant et même sans indépendance, puisqu’il n’exerçait qu’un pouvoir délégué. » Il avait donc conservé toute sa liberté d’action, et n’hésita pas, en 1812, à faire partie des conciliabules où les débris du parti d’Orange, grossis par le plus grand nombre des anciens patriotes oligarques et démocrates, également ulcérés de la réunion de la Hollande à l’empire français, préparaient les moyens de briser le joug de l’étranger. Secondée par les évènemens de la guerre, la Hollande parvint, en 1813, à s’affranchir elle-même par un effort spontané, et eut ainsi la bonne fortune d’empêcher que sa délivrance fût la suite de la conquête du pays par les armées alliées. Ce mouvement ayant rappelé en Hollande le prince d’Orange, M. Van der Duyn, lors de la formation de la cour du nouveau souverain, y fut attaché avec le rang de grand-officier. À cet emploi purement honorifique, il joignit des fonctions qui lui permirent de déployer les facultés d’un esprit élevé et mûri par la réflexion et la solitude. Appelé à faire partie des commissions de constitution et de révision en 1814 et 1815, il se rangea par son vote, selon ses expressions, « du côté de ceux qui, abandonnant les souvenirs anciens et les institutions vieillies, désiraient que la constitution fût appropriée à l’esprit et aux besoins de l’époque. » En 1817, il fut placé, sans l’avoir demandé ni même désiré, à la tête de l’administration de la province de la Hollande méridionale à La Haye, avec le titre de gouverneur, et il conserva ces fonctions jusqu’en 1844. C’est dans ce poste, qui le mettait en rapports journaliers avec la cour, qu’il a recueilli les faits et les impressions dont nous nous occupons en ce moment.

Si la position officielle de M. Van der Duyn donne de l’autorité aux révélations sorties de sa plume, son caractère en explique la nature et le ton. Par son éducation, par la tournure de son humeur, M. Van der Duyn est un frondeur qui juge avec sévérité les évènemens et les hommes, un esprit très libéral, presque républicain, que les circonstances ont égaré parmi des courtisans. Il y a en lui et dans son style même un reflet, bien effacé il est vrai, de Saint-Simon. Dans sa jeunesse, ses amis l’avaient surnommé Pétion ; mais c’était, comme il le dit, avant le 10 août et la terreur. Bien que fonctionnaire, il n’est point obséquieux. Reçu habituellement au palais du roi, il ne sait point flatter. Guillaume le lui fit sentir un jour indirectement : « Monsieur Van der Duyn est toujours avec les dames. — Oui, sire, et je me trouve bien et fort honoré d’y être, » - « Un ami, écrit-il