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sur l’obéissance passive fût brûlé par la main du bourreau comme contraire à la liberté du sujet et aux lois du royaume ? Mais lorsqu’il s’agit de l’empire britannique, la question véritable n’est pas de savoir quelles sont les tendances générales de l’église catholique dans les pays où elle domine. Si la religion catholique est celle de la majorité en Irlande, elle est celle de la minorité dans l’ensemble des îles britanniques. Son action politique ne peut s’exercer que dans la nomination d’un douzième des membres du parlement impérial, et on ne saurait comprendre comment la religion d’une minorité catholique menace les libertés civiles d’un pays protestant. Il y a plus, l’accusation réelle portée contre le clergé irlandais est de tout autre nature : c’est celle de semer l’agitation, de fomenter la haine du pauvre contre le riche et d’exciter des sentimens de déloyauté, on se servant de ce mot dans le sens anglais.

La nature de ces imputations prouve à elle seule qu’en accusant l’église irlandaise, c’est autre chose que le principe catholique qu’on attaque : il n’est pas de l’essence de la religion catholique d’être animée d’un esprit révolutionnaire et de se livrer à des manœuvres socialistes. C’est un manque de respect pour la sainteté du dogme et pour celle de l’église de rendre celle-ci responsable des vices d’un système qui lui a été imposé par les conséquences nécessaires de l’intolérance exercée contre elle. Je l’ai déjà l’ait remarquer, l’église catholique d’Irlande n’a pas d’existence légale ; ce qui est plus grave, elle subsiste par les dons d’une population misérable. Que des préjugés ennemis s’efforcent d’agrandir le débat et essaient de confondre une exception funeste avec le principe ; que des amis violens ne craignent pas de compromettre le principe, afin de courir l’exception ; qu’ils semblent s’entendre implicitement les uns et les autres pour dissimuler la vérité : — c’est ce qu’on rencontre d’ordinaire dans l’histoire des passions ; mais pour qui conserve en même temps sa foi et son impartialité, il ne s’agit en réalité que d’une question de politique pratique, — l’appréciation des effets de la contribution volontaire appliquée à l’église catholique d’Irlande.

Lorsqu’une société est assez heureuse pour posséder à la fois ces deux biens, des sentimens religieux et des mœurs publiques, elle se gouverne eu quelque sorte elle-même. Tout ce qui est la liberté lui convient, et le système de la contribution volontaire peut être sans inconvénient, appliqué aux États-Unis aussi bien que dans certaines parties de l’Ecosse. Il n’en est pas de même là où le sentiment religieux est défaillant, ni là où les inouïs publiques sont faibles, et si, par suite d’événemens séculaires, la foi religieuse se confond avec les passions nationales, si les intérêts de la politique et ceux de la religion s’unissent dans les cœurs, si la diversité des croyances stimule