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la célèbre brochure, les Droits des colonies revendiqués et démontrés, dont John Adams a dit qu’elle était alors aussi familière à tous les Américains que leur alphabet. Ois prenait pour point de départ ce principe, « que l’autorité suprême ne peut enlever à aucun homme aucune part de sa propriété sans qu’il y ait consenti en personne ou par son représentant, » et il en concluait qu’aucune taxe ne peut être levée sur le peuple sans son consentement ou celui de ses députés. Mais si la Grande-Bretagne n’avait le droit de tirer de ses colonies aucun revenu, les dépenses que lui imposaient leur administration, leur défense, et la protection de leur commerce étaient pour elle des charges sans compensation ; La thèse d’Otis ne laissait à la métropole qu’une souveraineté nominale incapable d’aucun effet utile, et, malgré les protestations de l’écrivain, elle conduisait à une séparation. Lorsque l’acte du timbre eut été voté, Jonathan Mayhew, qu’attendait une mort prochaine, monta en chaire et prêcha sur les devoirs des chrétiens qu’il définit ainsi : défendre à tout prix leurs libertés religieuses et conserver soigneusement leurs droits civils. Les émeutes de Boston suivirent de quinze jours ce sermon. Au même moment, John Adams, récemment sorti d’Harvard et qui venait de se faire inscrire au barreau de Boston, débuta dans la Gazette de Boston en y publiant un Essai sur le droit canon et le droit féodal qui lui réimprimé comme brochure en Angleterre, et y reçut les applaudissemens intéressés de toutes les sectes dissidentes et de l’opposition parlementaire.

Cet Essai est un véritable pamphlet écrit avec toute l’ardeur de la jeunesse et au milieu des entraînemens de la lutte ; le style en est vif et nerveux, et d’une éloquence quelquefois déclamatoire, mais où respirent la ferveur religieuse et la passion politique. John Adams célèbre avec enthousiasme les fondateurs de la Nouvelle-Angleterre, ces puritains si souvent honnis et ridiculisés par les courtisans comme des enthousiastes, comme des hommes superstitieux et comme des républicains, et de chacun de ces sujets de reproche il leur fait un titre d’éloges. Les auteurs qu’il invoque sont Hampden, Vane, Milton, Nedbam, Harrington, les orateurs, les écrivains, les théoriciens du long parlement et de la république. L’objet de ces articles était de prouver que le droit canon et le droit féodal, présentés comme étant en vigueur en Angleterre et comme près d’être appliques aux colonies, étaient les deux plus grands systèmes de tyrannie qui eussent jamais existé. Le gros de la démonstration roulait sur cette proposition, qu’au début et dans l’âge d’ignorance de l’espèce humaine, la monarchie avait été la forme universelle de gouvernement, mais que le peuple s’était rendu plus libre à mesure qu’il était devenu plus éclairé ; que l’amour du pouvoir, qui avait souvent engendré la servitude, avait aussi fait naître ; par contre-coup la liberté. En effet, si cette passion avait toujours entraîné les rois, les nobles et les évêques à renverser par la violence et la fraude les bornes mises à leur autorité, toujours aussi elle avait eu pour résultat de provoquer dans les masses le désir de l’indépendance, et de susciter des efforts pour renfermer l’autorité des grands dans les limites de l’équité et de la raison. On imagine, aisément les développemens passionnés auxquels prêtait un pareil thème. Le jeune auteur, sans garder de vains ménagemens et sans voiler sa pensée, se reposait sur le courage du peuple pour repousser la tyrannie du parlement britannique ; il faisait appel