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association, qui commença en 1748, dura dix-huit ans. David Hall se consacra tout entier aux impressions, à la librairie et à la vente du papier : c’était en effet Franklin qui fournissait de papier plusieurs des imprimeurs américains, trop pauvres pour s’approvisionner directement en Angleterre. Franklin continua à s’occuper spécialement de la Gazette, car on voit, par sa correspondance avec sa femme, que même dans ses missions à la frontière, soit pour négocier avec les Indiens, soit comme commissaire de la province près de l’armée, il se faisait suivre par ses lettres, ses journaux et les cancans de la province, ce qu’il appelle les histoires de X, Y, Z, et il gronde quand la bonne Deborah, trop occupée dans son ménage, a oublié de lui écrire et de lui envoyer les journaux des provinces du nord. En 1757 seulement, lorsque Franklin reçut de l’assemblée de Pennsylvanie sa première mission en Angleterre, la Gazette tomba aux mains de David Hall ; celui-ci la dirigea avec prudence et habileté, et en 1766, quand il eut complètement remboursé Franklin, il demeura seul maître de l’imprimerie et du journal qui en était une dépendance[1].

Même après cette séparation, Franklin ne rompit pas complètement avec la Gazette de Pennsylvanie ; il y publia de loin en loin quelques lettres et quelques articles, lorsqu’il voulut donner son avis, ou lorsqu’il eut besoin d’intervenir dans les affaires intérieures de la province. Il aimait trop son métier pour y renoncer entièrement, et il connaissait trop bien le parti qu’on peut tirer de la publicité pour ne pas s’en servir au profit de la cause qu’il soutenait. Il suivait donc avec une attention extrême la presse anglaise, et ne manquait jamais d’adresser des rectifications à qui de droit, quand on médisait de ses commettans, quand on mettait en doute la fidélité des Américains ou qu’on les tournait en ridicule. L’opposition anglaise appuyait les réclamations des colonies ; Franklin était en relation avec les journaux de l’opposition et leur fournissait des notes et des articles. C’est ainsi que le Chronicle de Londres publia en 1766 les lettres de Franklin à Shirley sur les taxes qu’on voulait imposer aux colonies ; en 1767, une apologie des colonies accusées de favoriser la contrebande ; en 1768, un exposé des griefs et des prétentions des Américains. On voit donc que, pour avoir passé les mers et avoir changé de théâtre, Franklin n’avait pas brisé sa plume. Cependant l’histoire de ce grand homme ne nous appartient plus, dès qu’il cesse d’être directeur de journal, et que ses relations avec la presse deviennent purement accidentelles ; laissons-le donc suivre la brillante carrière dont la presse lui a ouvert l’entrée, et revenons à notre sujet.

Le premier-né de la presse avait attendu quinze ans l’apparition d’une feuille rivale ; les vingt années qui suivirent furent plus fécondes. En 1740, il existait déjà quatorze journaux en Amérique. On en comptait cinq dans la seule ville de Boston : le Boston Weekly News-Letter, de Green l’aîné ; la Gazette de Boston, de Thomas Green ; le New-England Journal, de Thomas Green et Samuel Kneeland ; le Post-Boy, journal de la direction des postes ;

  1. Dans une lettre adressée d’Amérique à Franklin à la fin de 1766, la Gazette est appelée « le journal de M. Hall, » et au commencement de 1767 Franklin parle de son association avec Hall comme expirée. David Hall mourut en 1772.