Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’esprit de la constitution de son pays, et peut-être aurait-il pu en concevoir après cet examen une idée plus haute et plus vaste encore qu’il ne l’a fait. Les hommes de cette époque n’étaient pas au-dessous de leur cause ; ils voyaient plus profondément qu’on ne l’a dit ce que renfermaient leurs principes. Seulement ils avaient le bonheur de les trouver écrits de la main du temps dans leur histoire et dans leur loi. Aussi la discussion fut-elle digne de son objet. On cite encore les discours des jurisconsultes Lechmere et Parker. Quand on les relit aujourd’hui, quand on étudie ce débat où une révolution était expliquée et défendue, au nom d’un gouvernement, par des hommes de gouvernement tels que Stanhope et Walpole, on ne peut s’étonner que le pays qui donnait, il y a cent quarante ans, de pareils spectacles au monde, témoin alors si peu attentif de pareils spectacles, soit aujourd’hui ce qu’il est en Europe, la leçon vivante des nations : En populus sapiens et intelligens !

Mais le procès avait un mauvais côté. On demandait un jour à Guillaume III l’autorisation de poursuivre un ecclésiastique si ardent qu’il se réjouirait du martyre. « S’il est ainsi, dit le roi, je l’attraperai bien. » La persécution pouvait seule faire un personnage du docteur Sacheverell. Sa cause fut habilement soutenue par ses conseils, à la tête desquels se présenta Simon Harcourt. L’accusé lui-même se défendit avec art et avec succès dans un discours qu’on attribua à la coopération de Harcourt et d’Atterbury. On le trouva mesuré et touchant, ce qu’on n’attendait pas du pétulant prédicateur. Beaucoup de gens sensés disaient qu’on aurait mieux fait de le dédaigner. Si d’ailleurs il avait enseigné de faux principes, il avait, par voie d’allusion, fait la satire du ministère. Godolphin, sous le nom de Volpone, le renard de la comédie de Ben Jonson, jouait un rôle dans son sermon, et le reproche d’avoir calomnié l’administration figurait parmi les quatre chefs d’accusation. La poursuite ressemblait donc à une vengeance de la vanité ministérielle. La liberté de la presse en était presque menacée. Un accusé qui appartient au clergé a d’ailleurs beau jeu à invoquer sa conscience. Ce n’est jamais lui, c’est l’église qui a parlé par sa bouche, qui est persécutée dans sa personne. L’opinion publique prit donc Sacheverell sous sa protection. La multitude se souleva bruyamment pour lui. Londres paraissait en feu. La cour des pairs était ennuyer d’avoir sur les bras une telle affaire. Les ministres regrettaient de l’avoir entamée. « Ce fatal procès prend tout mon temps et me rend malade, écrivait Godolphin ; une vie de galérien serait un paradis pour moi. »

Cependant les commissaires de l’impeachment réussirent à faire admettre leurs quatre articles d’accusation. La cour des pairs déclara Sacheverell coupable ; mais elle ne prononça ni amende, ni