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Dans l’esprit de la révolution de 1688, c’était elle qui devait être appelée à la couronne. En ouvrant la session, le roi avait recommandé au parlement de prendre des mesures pour assurer la succession dans la ligne protestante, et Harley proposa ces mesures. Sa motion surprit et satisfit le public. Les tories étaient soupçonnés d’un secret penchant pour l’héritier direct de Jacques II. La plupart n’avaient pas sans regret porté atteinte aux règles ordinaires de l’hérédité monarchique, et auraient accueilli tout moyen honorable d’y revenir ; mais ils n’étaient pas ennemis de la constitution de leur pays, mais ils étaient zélés pour la religion de leur pays, ils se regardaient comme le parti de l’église. D’ailleurs on les attendait à cette épreuve. L’opinion publique était impérieuse, la nécessité pressante ; tout effort pour s’y soustraire eût été une vaine témérité. Il n’y avait de possible que ce qu’on fit. Saint-John en convient, et il s’associa aux mesures proposées, quoiqu’il ait écrit plus de trente ans après que son parti n’en fut pas extrêmement charmé et n’affecta pas de le paraître. Il convient qu’il y avait alors un grand levain de jacobitisme dans le camp tory. Le roi put d’ailleurs s’apercevoir qu’il avait peu gagné à ses nouvelles alliances. À la déclaration que la couronne ne pourrait jamais être portée hors de la communion de l’église établie par la loi, on ajouta dans Le même bill quelques dispositions pour prévenir l’influence des étrangers dans le gouvernement, assurer l’indépendance et la responsabilité du conseil privé, exclure, les fonctionnaires de la chambre des communes et garantir l’inamovibilité des juges. Whigs et tories, par des motifs divers, s’accordèrent pour prendre ces précautions constitutionnelles, qui, même depuis qu’on s’est relâché de quelques-unes, font de l’acte d’établissement [act of settlement) un complément nécessaire du bill des droits.

Une autre question des plus graves était posée par les événemens. Le roi d’Espagne venait de mourir léguant ses états au duc d’Anjou, second fils du dauphin de France, et Louis XIV avait accepté le testament. Cependant, en conséquence de la paix de Ryswick, un traité réglait le partage éventuel de cette monarchie, et il ne semblait pas que les puissances qui l’avaient signé fussent libres de ne le pas exécuter. La France, en le foulant aux pieds, ranimait les craintes jalouses de la Hollande et de l’Angleterre. Si le traité de partage ne devait pas subsister, au moins de nouvelles garanties devaient-elles être prises dans l’intérêt de l’équilibre européen. Des signes de guerre paraissaient donc à l’horizon. Cependant, comme le dernier traité avait été mal accueilli et qu’au fond les tories, alors prépondérans, n’épousaient point contre Louis XIV tous les ressentimens de Guillaume III, l’opinion fut d’abord incertaine ; on hésitait à rallumer une conflagration générale, parce qu’une convention d’une utilité