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de la sagesse que des principes, et il couvrit le nouveau cabinet de son expérience et de sa neutralité. Sa présence au pouvoir annonçait l’adhésion du comte de Marlborough, dont la fille avait épousé son fils. Marlborough, disgracié quelque temps sous le dernier ministère, réconcilié depuis peu avec le roi, était puissant par son habileté et par ses intrigues, par une certaine grandeur qui frappait dans sa personne et couvrait son égoïsme et son avidité d’un prestige qu’on ne s’expliquait pas, car les jours de sa gloire n’étaient pas venus. Séparé de ses plus anciens conseillers, isolé dans son ministère, le roi réserva plus que jamais sa confidence pour des amis personnels, tels que les deux Hollandais Bentinck et Keppel, l’un comte de Portland, l’autre comte d’Albemarle, et il attendit de sang-froid la nouvelle majorité dont on lui annonçait la venue.

Il avait à regret consenti, six ans auparavant, à l’acte qui réduisait à trois années la durée des parlemens. Le quatrième de son règne avait atteint le terme légal en 1700, et c’est en vertu de cette loi que fut, au commencement de 1701, convoqué le cinquième parlement du règne, celui où parut Saint-John pour la première fois. Les tories l’avaient emporté dans les élections, et l’on comptait pour diriger la chambre sur Robert Harley. C’était un homme d’un âge déjà mûr, qui siégeait depuis longtemps dans le parlement sans y jouer un premier rôle, quoiqu’il s’y fût fait remarquer dès 1692 plutôt cependant par son intelligence que par son éloquence. Il avait en tout temps conduit un de ces détachemens d’hommes éclairés et flottans qu’on appelle en France tiers-parti, et qui pour leur politique louvoyante sont connus dans l’histoire d’Angleterre sous le nom expressif de trimmers. Mécontent de n’être pas compté autant qu’il s’estimait, il avait fini par pencher du côté des tories, et il passait après Montagne pour le membre le plus habile dans les matières de finances. À cette époque, les fonctions d’orateur de la chambre des communes n’étaient pas, comme aujourd’hui, reléguées dans un ministère d’impartialité. Loin de se renfermer dans une immobile dignité, le président pouvait sans trop se compromettre servir d’intermédiaire entre la couronne et l’assemblée, et exercer autour de lui une influence qui allait quelquefois jusqu’à la corruption. Harley, désigné par la cour, fut élu par 249 voix contre 125.

Trois grandes affaires occupèrent la session. La première est la succession au trône d’Angleterre. Anne, belle-sœur de Guillaume III et fille de Jacques II, mariée à George, prince de Danemark, était l’héritière constitutionnelle de la couronne ; mais elle venait de perdre le duc de Gloucester, son fils unique. Sophie, nièce par sa mère de Charles Ier et veuve du premier électeur de Hanovre, était après Anne la seule princesse du sang royal qui professât la religion réformée.