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Mawi ne tarda point à trouver des capitaines moins scrupuleux ; deux matelots européens qu’il avait retenus prisonniers combattirent à ses côtés et portèrent la terreur dans les rangs des indigènes. En 1796, l’archipel tout entier reconnaissait sa domination.

Kamehameha n’était point seulement un colosse dont la massue pouvait écraser la couronne sur la tête de ses compétiteurs : il possédait, avec les muscles de fer et les membres d’un géant, l’habileté cauteleuse et la subtilité tenace d’un homme qui avait dû gravir lentement les degrés du trône. Parvenu, à la suite de sept guerres sanglantes, au faite de la puissance, il n’abusa point de son triomphe. Il sut contenir les ressentimens des vaincus par sa fermeté vigilante et rendre la paix au royaume par une judicieuse clémence. Il mourut dans son palais d’Hawaii, composé de six huttes de paille, le 8 mai 1819. Une femme qu’il avait associée depuis longtemps à ses plus secrets desseins, Kaahumanu, issue du vieux sang des chefs hawaiiens, fit monter sur le trône l’héritier dont les dernières volontés du souverain lui avaient confié la tutèle ; mais elle se réserva la réalité du pouvoir.

Les coutumes primitives s’étaient maintenues presque sans altération durant le règne de kamehameha. Le tabou était encore, dans cette partie de l’archipel polynésien, la base du gouvernement et la loi suprême. Déjà cependant l’Evangile avait été apporté par les missionnaires anglais à Taïti, et le bruit de ce grand changement était arrivé jusqu’aux îles Sandwich. Les récits des Hawaiiens qui commençaient à visiter les archipels de l’Océanie sur les navires baleiniers, les railleries des étrangers qui venaient chercher à Honoloulou du bois de sandal, ne pouvaient manquer de porter aux vieilles superstitions de sérieuses atteintes, kaahumanu osa concevoir la pensée d’une révolution religieuse.

Quelques jours après la mort de Kamehamoha, le nouveau souverain des Sandwich, Liholiho, avait revêtu la pourpre hawaiienne, le manteau de plumes que le peuple honorait encore comme l’insigne de la suprême puissance. En présence des chefs et des prêtres rassemblés pour cette cérémonie, Kaahumanu invita le jeune roi à violer le tabou. À cette proposition, Liholiho ne put s’empêcher de reculer d’effroi ; mais le Rubicon était passé : Kaahumanu devait périr ou briser le joug qu’elle avait entrepris de secouer. Le souverain oublia dans l’ivresse ses scrupules et ses terreurs. Il viola le tabou, et le vieil édifice des rites hawaiiens s’écroula sous l’audace d’une femme.

Un chef releva l’étendard de l’idolâtrie. Il était jeune, courageux et rempli d’une sombre ferveur. Les prêtres l’entourèrent et lui promirent la couronne. À leur voix, une partie du peuple accourut sous