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et dispersées dans l’ouest : enfin il aperçut l’Océan. Ses projets étaient accomplis ; il venait d’obtenir la récompense des fatigues, des dangers sans nombre qu’il lui avait fallu surmonter. À ce beau pays, voisin du tropique, éclairé par un soleil étincelant, il donna le nom de Louisiane en l’honneur de Louis XIV. La cour de France, satisfaite du rapport qui lui avait été fait de ces importantes découvertes, confia au courageux explorateur la tâche difficile de commencer la colonisation de la Louisiane.


III

Tout était donc magnifiquement préparé sur le continent américain pour l’agrandissement des possessions françaises. Un reflet de la gloire de Louis XIV semblait échauffer le Canada. Sous l’impulsion d’un intendant éclairé, le pays prospérait, et les émigrans commençaient à venir. L’embouchure du Saint-Laurent, celle du Mississipi, tout le cours de ces grands fleuves, avec les lacs et les rivières intermédiaires, appartenaient à la France. Pour consolider la colonie et lui assurer dans un prochain avenir un développement merveilleux, il avait suffi de quelques années de paix et d’un bon administrateur secondé par des hommes intelligens et hardis. L’incurie du gouverneur qui remplaça Frontenac faillit tout perdre. Les Iroquois ne sommeillaient jamais. Battus par les Français, refoulés dans les bois, ils ne laissaient échapper aucune occasion de se venger, et faisaient aux colons tout le mal possible. En 1689, une troupe de quatorze cents sauvages traversa le lac Saint-Louis en pleine nuit, au milieu d’une tempête de pluie et de grêle, et débarqua dans le plus profond silence à la pointe de l’île de Montréal. Les colons dormaient, quand tout à coup un cri terrible retentit dans l’obscurité. Hommes, femmes et enfans sont égorgés ; la flamme dévore les maisons et force les fuyards à se précipiter entre les mains de l’ennemi, qui exerce sur eux toutes les cruautés que lui inspire sa férocité naturelle, excitée par le désir de la vengeance. La plume se refuse à décrire les horreurs qui épouvantèrent cette nuit terrible. On appelle encore, dans le Canada, cette fatale année de 1689 l’année du massacre. Pendant deux mois, les Iroquois restèrent maîtres des campagnes. Le gouverneur Denonville, se jugeant trop faible pour les combattre, tremblait devant ces barbares exaspérés, qui l’avaient endormi à force de ruses. Denonville était pourtant un homme d’esprit, mais il ne sut rien faire à propos. Il s’occupa constamment de nouer des alliances avec les tribus indiennes, et perdit leur confiance en leur manquant de parole ; il rêva de grands armemens, et ne trouva jamais assez de soldats pour accomplir le plus simple projet. Son exemple