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faut reconnaître pourtant qu’il s’est surtout attaché à la démonstration de la forme, c’est là en effet ce qui caractérise le talent de Michel-Ange. Depuis la chapelle des Médicis à Florence jusqu’au Christ de la Minerve à Home, depuis le Moïse de Saint-Pierre-aux-Liens jusqu’à la Piéta de Saint-Pierre, jusqu’au Jugement dernier de la chapelle Sixtine, nous retrouvons partout le même caractère : la démonstration de la forme. Je ne m’arrête pas aux reproches formulés par quelques esprits chagrins qui l’accusent de révéler son savoir avec une sorte d’ostentation ; je m’en tiens à mes impressions personnelles. Or il est certain que toutes les œuvres de Michel-Ange, y compris même la Sainte Famille de la Tribune de Florence et les Parques de la galerie Borghèse, expriment une prétention uniforme et constante. Michel-Ange, pour nous, signifie la science absolue. Je ne parle pas de la chapelle Pauline pour une raison excellente, c’est que les sacristains du Vatican ont trouvé moyen de la réduire à néant. L’attention la plus persévérante, le regard le plus pénétrant ne réussiront jamais à deviner ce que Michel-Ange a voulu peindre sur les murailles de cette chapelle ; nous en serions réduit à invoquer le témoignage de George Vasari et d’Ascanio Condivi, sans pouvoir le contrôler ; il vaut mieux nous taire.

Ainsi Michel-Ange représente pour nous l’expression scientifique de la forme. Léonard de Vinci, aussi savant que Michel-Ange, nous offre pourtant la science sous un aspect nouveau. En même temps qu’il tient à montrer le fruit de ses études, il s’attache constamment à concilier l’élégance avec le savoir. Qu’il me suffise d’indiquer la Cène de Sainte-Marie-des-Grâces et l’Adoration des Mages de la galerie des Offices. Ces deux compositions suffisent à résumer toute la manière du maître florentin, qui est devenu plus tard le chef de l’école milanaise. Dans ces deux œuvres si puissantes, on retrouve tout le savoir de Michel-Ange enrichi d’un élément nouveau, la grâce, que Michel-Ange n’a sans doute pas ignoré, mais qu’il n’a guère mis en œuvre que dans la voûte de la Sixtine, et surtout dans la Naissance d’Eve.

J’arrive au divin Sanzio, que les historiens appellent le prince de la peinture, bien qu’il soit certainement moins savant que Michel-Ange et Léonard de Vinci. Or quelle est la qualité qui le distingue, qui le recommande à l’admiration éternelle de tous les artistes ? C’est la suavité des contours et l’harmonie des lignes. Sous ce rapport, Raphaël n’a jamais été dépassé. L’École d’Athènes, le Parnasse, sont là pour attester ce que j’affirme. S’il a montré dans l’Incendie du Borgo et dans les Sibylles de Sainte-Marie-de-la-Paix une science anatomique comparable à celle de Michel-Ange et de Léonard de Vinci, il est certain pourtant que la science n’est pas le caractère