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crédit, loin de spéculer sur ces rudes secousses qui ébranlent les intérêts commerciaux, ils s’appliqueraient au contraire à en adoucir les effets.

La question importante pour les spéculateurs n’est pas l’élévation possible du taux des escomptes ; c’est de savoir jusqu’à quel point la Banque de France, exposée aussi à des retraits de dépôts et à des remboursemens multipliés pour solder les blés de Russie et d’Amérique, pourra continuer les avances qu’elle fait actuellement sur-les titres négociables à la Bourse. Examinons à ce point de vue le dernier bilan publié, en date du 8 septembre :


Billets au porteur en circulation 661,015,375 fr.
Billets à ordre payables à court terme 5,228,148
Récépissés payables à vue 18,577,789
Dépôts du trésor 69,801,784
Dépôts particuliers et comptes courans 158,748,174
Total des dettes immédiatement exigibles 910,371,270fr.

Les ressources provenant de l’encaisse et des valeurs de portefeuille échelonnées suivant la prévision des besoins sont les suivantes :


Monnaies et lingots pour la réserve de Paris et le service des succursales 452,932,370 fr
Portefeuille : effets de commerce 294,102,841
Avances sur lingots et monnaies 1,875,693
Avances sur titres de rentes françaises 46,050,986
Avances sur titres de chemins de fer 86,048,996
Total des ressources Immédiatement ou prochainement disponibles 881,010,886 fr.

Pour apprécier cette situation au point de vue de la Bourse, il faudrait savoir avec exactitude quelle est l’importance du déficit des récoltes, quelle somme a déjà été exportée pour les achats au comptant, quelle dépense il reste à faire pour compléter les approvisionnemens, et enfin dans quelle mesure les étrangers vendeurs de grains voudront bien se payer en nos propres marchandises. À défaut de renseignemens précis, chacun reste livré à ses propres évaluations. Il est prudent toutefois de se rappeler les faits suivans.

Pendant les derniers mois de 1846, des que l’insuffisance des récoltes eut été constatée, la Banque de France eut à fournir 172 millions en espèces, destinés aux achats de blés à l’étranger. Les demandes d’argent pour l’exportation continuèrent pendant l’année 1847. La Banque relit péniblement son encaisse en achetant des lingots à très haut prix en Angleterre, et en livrant au gouvernement russe des titres de rentes françaises pour un capital d’environ 50 millions. Elle réussit, malgré l’affaiblissement de ses propres réserves, à aider largement le commerce au moyen des dépôts du trésor, qui furent abondans ; mais les dépôts particuliers tombèrent au plus bas. On peut se demander aujourd’hui ce qui arriverait, si l’insuffisance des récoltes nécessitait une aussi large exportation de numéraire qu’en 1847. La Banque trouverait-elle à acheter des lingots en Angleterre, où la pénurie des espèces métalliques se fait sentir beaucoup plus que chez nous ? Les négocians russes accepteraient-ils de nouveau