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leurs pensées, — qui ont besoin de l’ombre des conciliabules, du mystère des organisations ténébreuses, et qui passent leur temps à créer une autre société invisible et souterraine, entièrement fondée sur l’esprit de destruction ? Que les gouvernemens cherchent à se préserver de ces armées secrètes, formidables en certains momens par leur organisation même, qu’y a-t-il de surprenant ? C’est là au surplus un fait général tenant aux conditions politiques dans lesquelles se trouvent placés tous les pays secoués par les révolutions des dernières apnées.

Mais à côté, comme nous l’indiquons, il est des questions internationales qui ne sont pas moins graves pour l’Europe. Nous passons le différend austro-suisse, bien qu’il ne soit point terminé, et qu’il semble même faire peu de chemin vers une solution. Il reste toujours le démêlé qui est venu, il y a quelques mois, réveillon les difficultés les plus épineuses entre l’Autriche et le Piémont. On sait quelle a été l’origine de ce démêlé ; c’est le décret de séquestre rendu par le gouvernement autrichien sur les biens des émigrés de la Lombardie. Un certain nombre de ces réfugiés étant devenus sujets piémontais, le gouvernement sarde s’est vu dans l’obligation de réclamer d’abord, de protester ensuite et enfin de rappeler son ministre à Vienne, M. de Revel, en déguisant ce rappel sous la forme d’un congé. Le représentant de l’Autriche dans le Piémont, M. le comte Appony, n’avait point cependant jusqu’ici quitté Turin ; les relations officielles des deux pays restaient donc dans des conditions à demi régulières, des négociations étaient possibles encore, lorsqu’une circonstance particulière est venue jetée un élément nouveau de froideur dans des rapports devenus déjà assez difficiles. L’Autriche avait demandé l’extradition d’un sujet lombard qui avait assassiné le docteur Vandoni à Milan. Le gouvernement piémontais mettait-il tout le zèle possible à accueillir la réclamation de l’Autriche ? Est-il vrai au contraire ; comme on l’a dit, qu’il ait favorisé le départ du coupable revendiqué par le ministre autrichien ? Quoi qu’il en soit, la demande d’extradition n’a point eu de suites, et il en résulte aujourd’hui que. M. le comte Appony quitte Turin à son tour par voie de congé. Quant à l’époque du retour du représentant de l’Autriche, elle est d’autant plus incertaine, qui M. le comte Appony est, dit-on, désigné pour le poste de ministre à Rome. Ainsi, bien loin de marcher vers un arrangement, les difficultés entre l’Autriche et le Piémont n’ont fait que s’envenimer, au point de devenir une rupture à peine déguisée : , qui peut laisser place aux plus sérieuses complications.

Ces faits prennent un caractère plus grave encore quand on considère l’état général de la péninsule italienne, le malaise profond de ce pays si cruellement éprouvé, les symptômes presque permanens d’agitation, le travail obstiné des propagandes révolutionnaires, auquel viennent répondre périodiquement les répressions des gouvernemens. En ce moment même, à Milan, soixante-quatre condamnations viennent d’être prononcées par les commissions militaires pour des faits relatifs à la tentative insurrectionnelle du 6 février dernier. Dans les états pontificaux, à Rome, à Bologne, les arrestations continuent à la suite du complot récemment découvert, et prennent chaque jour des proportions plus considérables. Enfin, à Naples, le dernier procès sur l’insurrection du 18 mai 1848 vient de se dénouer