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d’Angleterre, dont il connaissait les sentimens et qui se montraient si pressés d’entreprendre, avaient obtenu satisfaction préalable sur l’article de la religion. Peut-être aussi se jugeait-il lui-même, comme on le lui fit sentir, peu propre à traiter ce sujet. Il avait beau avoir sans cesse à la pensée l’exemple de Henri IV ; on aurait pu le délier, avec toute son éloquence, de le faire comprendre à celui qui aurait eu tant besoin de l’imiter. Quand il fallut que Jacques se fit précéder en Angleterre de déclarations où l’église nationale trouvât des garanties, il fit mille difficultés ; il garda les projets qu’on lui présenta pour les revoir, les envoya de Bar à Saint-Germain pour les soumettre à la reine et à son conseil de conscience ; puis, après les avoir retouchés à sa guise, il les fit imprimer avec le contre-seing de Bolingbroke, qui n’avait signé que la première rédaction. Bolingbroke réclama, et on en tira de nouveaux exemplaires sans sa signature. Les corrections royales étaient de ces subtilités qui présagent la mauvaise foi. Ainsi, dans une phrase où il devait exprimer sa sollicitude pour la prospérité de l’église anglicane, il avait rayé le mot prospérité. Il refusait de protéger cette église, et n’entendait s’engager qu’à en protéger tous les membres. Il ne voulait pas conserver à Charles Ier l’épithète de martyr, et quand on lui proposait de parler de sa sœur de glorieuse et heureuse mémoire, il n’admettait pas que cette mémoire fût heureuse, et ne consentait à louer en elle, au lieu de sa justice éminente et de sa piété exemplaire, que son inclination pour la justice. La portée de ces niaiseries n’était que trop évidente, et je ne m’étonne pas que Bolingbroke ait vu partir son nouveau maître pour l’Ecosse sans la moindre espérance et sans beaucoup de sympathie. C’était assez pour qu’il fût un traître aux yeux du parti.


XIX

On peut en croire Bolingbroke lorsqu’il dit que sa disgrâce lui rendit service en facilitant une rupture dont il aurait été obligé de prendre l’initiative. Il consomma cette rupture en répandant de par le monde ses réponses aux critiques et aux calomnies dirigées contre lui. Il était piquant, on doit en convenir, d’encourir, après moins d’une année, une nouvelle et contraire accusation de trahison (car il eut à répondre sur sept articles en forme), intentée au nom de celui pour lequel il venait d’être accusé d’avoir trahi son pays, et l’on conçoit quels sentimens durent s’élever dans cette âme orgueilleuse et vindicative. Non content de dire un éternel adieu au parti auquel il n’aurait dû jamais s’unir, il ne se fit point scrupule de dévoiler dans ses écrits et ses discours le néant de ce parti et de son chef, et la mémoire des Stuarts n’a pas eu de plus dangereux ennemi. Son caractère