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avec lui ; puis enfin le régent sut mauvais gré à Bolingbroke de les avoir connues et employées. Ces contradictions n’ont rien que de conforme à la manière de gouverner de l’ancien régime. Le duc d’Orléans ne voulut jamais au fond rien faire pour les Stuarts ; mais il voulait tout savoir et pratiquait la grande maxime d’avoir des intelligences avec tout le monde. Plus réservé à l’égard de Bolingbroke, d’un ancien ministre avec lequel tout engagement était sérieux, il se tint toujours sur un pied de défiance, tout en lui faisant proposer par le maréchal d’Huxelles et par le marquis d’Effiat de s’attacher à sa personne, d’accepter ses bienfaits, de s’en remettre à lui pour faire sa paix avec l’Angleterre. Bolingbroke dit qu’on lui offrit jusqu’à 500,000 francs, mais qu’il n’eut pas l’air d’entendre, et qu’on n’y revint plus ; seulement il resta en froideur avec le régent.

Cette froideur s’accrut lorsqu’on apprit le mauvais succès de l’insurrection écossaise. Le 12 novembre, un corps de jacobites du nord de l’Angleterre fut battu à Preston, et le lendemain le duc d’Argyle arrêtait dans le Perth, à la bataille ; de Sheriffmuir, l’armée jusque-là victorieuse du comte de Mar. On avait cru quelques jours à Paris que Jacques III était roi de la Grande-Bretagne, « Personne, dit lord Stair, ne mettait plus le pied chez moi. » À dater de ces nouvelles, Jacques III ne fut plus qu’un prétendant ; l’insurrection de l’Écosse ne fit que décliner, et tout était désespéré à la fin de décembre. C’est le moment que Jacques choisit pour s’embarquer à Dunkerque, et le 22 décembre il était à Peterhead. Bolingbroke convient que cette entreprise était devenue nécessaire à la réputation du prince, mais il ne dit pas qu’elle fût le moins du monde utile à ses affaires.

Resté en France pour y veiller, il remplit son office avec zèle. Il obtint de l’Espagne un nouvel à-compte sur les quatre cent mille écus qu’elle avait promis. Il enrôla quelques-uns des officiers irlandais qu’elle avait à son service ; il reprit des négociations un peu romanesques pour décider le roi de Suède Charles XII, ennemi de l’électeur de Hanovre, à opérer une descente en Écosse. Il essaya d’embaucher des corsaires français ; mais pour tout cela il avait besoin de l’appui de la France, et il n’obtenait d’elle que les vagues témoignages d’une stérile bienveillance. Avec lui, avec lord Stair, on tenait les langages les plus divers. Évidemment on attendait les événemens pour se décider ; on voulait savoir quel serait l’effet de la présence d’un Stuart dans un pays que l’on connaissait, dit-il, comme le Japon. Las de ses efforts inutiles, il eut une conférence définitive avec le maréchal d’Huxelles, qui lui parla franchement, et ses derniers doutes étant dissipés, il résolut d’écrire au prétendant qu’il ne devait rien espérer, s’il ne pouvait réussir par lui-même, et il lui envoya un des rares navires qu’il eût à sa disposition pour le ramener en France