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Il y a ici, comme en Espagne, des combats de taureaux dans lesquels les Mexicains montrent une audace qu’ils n’ont pas constamment trouvée devant l’ennemi. Il y a diverses sortes de courage : tel homme qui a l’une n’a pas toujours l’autre. En ce moment, on ne nous offrait d’autre divertissement que le combat d’un ours et d’un taureau. Il faut le désœuvrement du voyageur pour aller chercher un pareil spectacle. Cependant je dois avouer qu’il a été assez curieux par le dénouement inattendu qu’il a présenté. Comme l’ours avait tuer il y a quelques jours, deux ou trois imprudens qui s’étaient trop approchés du poteau auquel il était enchaîné, on l’a enfermé avec son ennemi dans une enceinte formée par de grandes poutres plantées verticalement, à travers lesquelles on n’apercevait que difficilement ce qui se passait. Néanmoins les spectateurs en voyaient assez pour être indignés de la couardise de l’ours, qui faisait le tour du champ clos en rasant les poutres ; les coups qu’on lui donnait à travers cette muraille à jour ne pouvaient le décider à combattre. Le taureau, de temps en temps, semblait vouloir fondre tête baissée sur son lâche ennemi ; puis, le voyant si humble, il dédaignait de le frapper. Enfin l’ours a perdu patience, il a jeté ses deux fortes pattes autour du col du taureau, qui dès ce moment est resté immobile, tirant la langue, entièrement, maîtrisé par cette rude étreinte. La nuit est arrivée avant que rien eût été changé à la situation respective des deux combattans ; mais tous les connaisseurs assuraient, en s’en allant, que l’ours certainement étoufferait le taureau.

Une autre curiosité a rassemblé la foule dans la même enceinte, l’enlèvement non d’un aérostat à gaz, mais d’une montgolfière soutenue par la dilatation de l’air échauffé. C’est l’enfance du ballon, et il faut aller à Mexico pour trouver, au milieu du dix-neuvième siècle, cette forme antédiluvienne d’un voyage aérien.

J’ai peu de chose à dire des mœurs mexicaines. Il faudrait vivre plus longtemps dans ce pays pour avoir une opinion fondée à cet égard. La vie de Mexico a été peinte dans le très agréable livre de Mme Calderon. Les scènes de l’intérieur, l’existence aventureuse qu’on mène dans les portions à peine civilisées du pays, ont été dans cette Revue l’objet d’une série de tableaux et de récits attachans qu’on m’assure ici ne pas manquer de fidélité. L’auteur de ces récits vient de finir tristement sa vie dans les flammes qui ont consumé le bateau à vapeur l’Amazone, sur lequel il s’était embarqué pour aller en Californie[1].

J’entends dire que les Mexicains ne sont pas très sociables, qu’ils

  1. M. Gabriel Ferry de Bellemare. Voyez ses études sur le Mexique dans la Revue des Deux Mondes, — du 15 avril 1846 au 15 septembre 1849.