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en général fermées et sont loin de l’élégance originale des volantes de La Havane. Parmi les promeneurs à cheval, il en est qui portent le costume mexicain : le chapeau à vastes bords, le large pantalon à boutons de métal et ouvert à la partie inférieure sur le côté, les étriers énormes. Ils ont parfois un air de brigand très pittoresque, et cette apparence n’est pas toujours trompeuse. Un Français se promenait ici avant la nuit ; un cavalier, après s’être assuré qu’en ce moment personne n’était en vue, fondit sur lui et lui mit la pointe d’un sabre sur la poitrine. Le Français avait des pistolets à l’arçon de sa selle ; on ne se promène guère sans armes. Il en dirigea un contre le brigand, qui fit volte-face, se coucha sur son cheval et s’enfuit. Notre compatriote, de qui je tiens le fait, porta plainte à un personnage élevé. Celui-ci lui dit tout d’abord : « Ce ne peut être qu’un tel ; lui seul est capable d’une pareille impudence. – eh bien ! qu’on l’arrête et qu’on me confronte avec lui ; qu’on le juge. — Oh ! non, il ne serait pas condamné. C’est un homme dangereux. Pourquoi ne l’avez-vous pas tué ? »

En effet le seul moyen d’avoir justice en ce pays, c’est de se faire justice soi-même. Seulement il faut avoir soin de tuer son homme du coup ; si on se contente de le blesser, il se venge tôt ou tard, et de plus, si l’on est étranger, on s’expose à être condamné pour voies de fait contre un citoyen du Mexique. On m’a assuré qu’un Français avait été en prison trois mois pour avoir donné un coup de bâton à un Indien qui se précipitait sur lui un couteau à la main. Telle est la justice au Mexique. Un voleur ne profession disait : On n’est jamais condamné quand on a 25 piastres à donner. Aussi les vols et les meurtres abondent à Mexico. L’autre jour, un particulier a été assassiné en plein jour, chez lui, par des bandits, à deux pas du palais où réside le président et où s’assemblent les deux chambres. Hier, un médecin distingué et très aimé dans le pays est allé à cheval, visiter un malade aux portes de la ville ; il avait engagé sa femme à l’accompagner en voiture et à faire de cette petite course une promenade. Il a été tué sous les yeux de sa femme et de ses enfans. Les voleurs ont été arrêtés. Comme cette mort avait mis la ville dans la consternation, on se flatte cette fois que par extraordinaire les meurtriers seront condamnés et exécutés[1]. Voilà où en est la sûreté publique à Mexico. Aussi les soldats à cheval qui sont en faction au milieu du pasep me semblent placés là moins pour faire la police des voitures que pour garder les promeneurs.

Je ne résiste pas à la tentation d’essayer de décrire un de ces admirables

  1. C’était une illusion. Depuis mon retour en Europe, j’ai appris par les journaux qu’ils avaient été mis en liberté.