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L’hôtel que nous habitons a été le palais d’Iturbide. Singulière destinée ! après avoir combattu les insurgés pendant plusieurs années, Iturbide embrassa leur cause et en décida le triomphe. Élu empereur, il entra en lutte avec les chambres et s’en débarrassa par un coup d’état ; puis, vaincu à son tour par le parti républicain, il fut banni du Mexique et se réfugia en Italie. Les dissensions perpétuelles de la patrie qu’il avait délivrée et asservie le rappelèrent dans cette patrie. Il y revint, on ne sait pas bien dans quel dessein, car étant descendu à terre, il fut arrêté et fusillé immédiatement. Il n’en est pas moins considéré aujourd’hui comme le vrai fondateur de la république mexicaine. À Puebla, une rue porte son nom, et à Mexico son sabre est placé dans la salle des représentant. Le palais qu’il a habité est très beau, et quand l’hôtel qui l’occupe sera terminé, ce sera un magnifique hôtel. On y est assez bien, et la cuisine n’y est pas espagnole. Les chambres sont disposées autour de deux grandes cours, dont l’une est entourée d’un portique soutenu par de légères colonnes. Les ornemens ciselés sur les murs du palais sont d’un goût singulier, mais qui n’est pas sans charme. L’architecture européenne a le droit d’être un peu bizarre à Mexico.

J’ai eu le plaisir de retrouver, dans le ministre de France au Mexique, M. Levasseur, ancien aide de camp du général Lafayette, que j’avais vu autrefois à Lagrange. Son accueil m’a l’appelé la cordiale hospitalité toujours offerte dans le château féodal du libérateur de l’Amérique, et rendue si douce par la respectable et charmante famille qui l’habitait. M. Levasseur m’a mené faire une promenade en voiture dans les allées qui sont aux portes de la ville. Les grands volcans qu’on aperçoit de ce lieu donnent à l’horizon un caractère de sublimité incomparable. Ici on sent la vérité de cette exclamation de M. Carpio, poète indigène, quand, s’adressant au Mexique dans le poème qu’il a consacré à célébrer sa patrie, il lui dit : « Que tu as de magnifiques horizons ! »

Che magnificos tienes horizontes !

Les horizons sont en effet la grande beauté du Mexique Partout le paysage est bordé par d’admirables sommets. Le plateau de Mexico, qu’embrasse un dédoublement de la Cordillère, est placé au centre d’un cercle de montagnes. Quand le soleil dore les cimes neigeuses qui pyramident au-dessus des nuages, on a aux portes de la ville et sous le ciel le plus doux le spectacle des plus grands tableaux que présente la nature des Alpes.

Vers le soir, la promenade est fréquentée par les voitures et les cavaliers ; des tourbillons de poussière rendent la condition de piéton peu agréable. Les voitures m’ont semblé assez lourdes ; elles sont