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paiemens volontaires, la compagnie pourra retarder les appels de fonds obligatoires : circonstance très heureuse en raison de l’état de la place et de la diversion que viennent faire les sociétés provinciales. Espérons donc que le pays n’attendra pas trop longtemps les 200 millions qui lui ont été promis avec tant d’emphase.

Deux cents millions ! Ce serait un gros chiffre pour une opération ordinaire ; relativement aux immenses besoins de la propriété : , ce n’est rien. Dans les quatre-vingts départemens entre lesquels cette somme doit être répartie, les inscriptions hypothécaires s’élèvent à 12,482,000,000 francs, sans compter les emprunts sans gages, sans compter les besoins que suscitent au jour le jour les incessantes transformations de la propriété. Cette avance de 200 millions ne représente pas plus de 1 franc 60 centimes pour 100 francs d’hypothèques inscrites. Quand ce premier effort sera accompli, il faudra lancer de nouvelles séries d’obligations pour continuer l’œuvre. Croit-on qu’on lèvera indéfiniment des centaines de millions en offrant un faible intérêt, avec des billets de loterie pour appoints ? Ce serait se faire une étrange illusion.

Encore une fois, les capitaux qui se livrent aux aventures sont très limités et très inconstans. Les gens qui ont vidé leur bourse avec le plus d’entrain dans les emprunts aléatoires deviennent les plus ardens à dénigrer le système, quand cinq ou six tirages ne leur ont pas apporté un gros lot. Le crédit foncière est une affaire à part : il ne doit pas compter sur l’argent déjà consacré aux actions industrielles, ni sur les économies qui s’accumulent au jour le jour ; les jeux de bourse leur offrent actuellement des tentations trop irrésistibles, et les sommes qu’on en pourrait détachée au profit de la propriété immobilière seraient insignifiantes en présence de la plus grosse dette qui soit au monde. La vraie mission du crédit foncier est de convertir la dette hypothécaire en déterminant les anciens créanciers à échanger les contrats nominatifs dont ils sont détenteurs contre des obligations Impersonnelles et garanties par une hypothèque collective sur tous les biens grevés.

Comme solidité, les obligations foncières procurent un placement incomparable. Elles sont les titres d’un hypothèque réelle ; elles n’ont pas à craindre, comme les rentes sur l’état, ces retranchemens qu’on appelle des conversions ; elles ne portent pas, comme la plupart des actions industrielles, la tache de ces monopoles commerciaux contre lesquels l’opinion publique pourrait tôt ou tard réagir : elles possèdent un mode d’amortissement incessant, infaillible, puisque la société les reprend toujours au pair des mains de ses débiteurs. Que leur manque-t-il donc pour devenir le meilleur des placemens ? De procurer un intérêt qui n’amoindrisse pas trop les revenus auxquels les rentiers hypothécaires sont accoutumés. Il faudrait, en un mot, que les obligations foncières, dégagées de toutes les chances illusoires, offrissent aux porteurs un revenu fixe de 4 pour 100. À ce cours, et avec tous les autres avantages qu’elles réunissent, elles se négocieraient assez rapidement, assez