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s’élève donc à 68,600 francs, chiffre montrant que l’utilité de l’entreprise n’a guère été sentie jusqu’à présent que par la grande propriété.

Sous l’impulsion de M. Wolowski, l’apôtre du crédit foncier de France, l’administration centrale fonctionne aussi activement que le permet la nouveauté de l’expérience. Les succursales sont à peu près organisées dans les quatre-vingts départemens dont se compose le domaine de la société. Chaque semaine, le conseil d’administration s’assemble et autorise de nouveaux prêts. L’hostilité qu’on avait quelque raison de craindre de la part des notaires ne s’est pas manifestée ouvertement : au contraire, ceux d’entre eux qui sont intelligens commencent à sentir que le crédit foncier, en leur donnant autant d’actes à faire, les décharge de la responsabilité qu’ils encouraient en procurant à leurs cliens des placemens hypothécaires. Bref à en juger par l’allure que l’opération a prise, il faudrait environ deux ans encore pour distribuer les 200 millions que la société a promis de prêter. Sur ces 200 millions, 40 seulement sont réalisés. Dans l’étal actuel de la place, où tant d’affaires se disputent les capitaux, deux ans suffiront-ils pour obtenir des porteurs d’obligations les 160 millions dont ils sont encore redevables ?

Le Crédit foncier de France a eu le tort, selon nous, de ne pas mesurer la grandeur de sa mission et le poids de sa tache. Il a eu la Bourse en vue, quand il fallait regarder le pays dans ses profondeurs, il a imaginé une de ces combinaisons financières, efficaces quand il s’agit d’enlever lestement une petite somme, mais insuffisantes en présence d’une opération à longs termes, ayant pour but de remuer une masse énorme de créances.

En émettant des obligations foncières à intérêt de 3 pour 100, on a beaucoup trop compté sur le prestige des chances aléatoires attachées à ces titres. On a cru ingénieux de combiner les remboursemens avec accroissement de capital comme pour les obligations de chemins de fer, avec les espèces de loteries mises à la mode par les emprunts de la ville de Paris, on a pensé peut-être que quatre tirages par an équivaudraient à un système d’incessantes réclames. Calcul trompeur, à notre avis. Ces sortes d’amorces n’ont d’effet que dans un rayon assez restreint : elles échauffent quelques esprits aventureux ; elles attirent momentanément une partie des valeurs flottantes vouées à la spéculation ; mais elles n’ébranlent pas ces grandes masses de capitaux, ces réserves de famille qui cherchent des placemens normaux et durables.

En finances, d’ailleurs, les chances aléatoires se ramènent à des valeurs positives que les gens d’affaires doivent savoir apprécier. La chance d’être remboursé dans le cours d’un demi-siècle avec une plus-value de 20 pour 100 correspond à un accroissement d’intérêt de 40 centimes par 100 francs. En second lieu. 800,000 francs de lots entre 200,000 joueurs équivalent à une mise individuelle de 40 centimes par 100 francs. Le produit effectif d’une obligation foncière de 1,000 francs peut donc être, calculé ainsi :


Intérêt du principal à 3 pour 100 30 francs.
Plus-value de remboursement 4
Participation aux tirages de lots 4
Total 38 francs.

Or, comme le titre s’est vendu à la bourse au-dessus du pair, ce genre de