Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/1045

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’épuisement des 200 premiers millions, la société continuera son office aux mêmes conditions, dût-elle abandonner un quart sur la part qui lui est allouée à titre de frais et bénéfices. Une succursale de la banque métropolitaine a dû être installée dans chaque ressort de cour impériale avant le 1er juillet de l’année courante. Enfin, pour lancer l’entreprise, le gouvernement lui a attribué la totalité du fonds de 10 millions consacré par le décret du 22 janvier 1852 à l’établissement du crédit foncier : cette subvention doit être touchée proportionnellement à l’importance des prête effectués

Muni de ce privilège, le Crédit foncier de France se constitua immédiatement. Son capital de garantie fut porté à 60 millions de francs, divisés en 120,000 actions. Toutefois on limita le premier appel de fonds à la moitié de ces chiffres. On avisa en même temps aux moyens de réaliser la somme qu’on avait pris l’engagement de prêter. Cette somme de 200 millions fut représentée par 200,000 obligations foncières de 1,000 francs, portant 3 pour 100 d’intérêt, remboursables en cinquante ans au taux de 1,200 francs à mesure qu’elles seraient désignées par le sort, donnant enfin chance à quatre tirages par an de lots montant ensemble à 1,200,000 francs pour les deux premières années et à 800,000 francs pour les années suivantes.

Grâce au concours empressé des grands capitalistes, le plus éclatant succès couronna d’abord toutes ces combinaisons. Les 20,000 actions de la société primitive montèrent jusqu’à 1,300 francs. Les promesses d’obligations, cotées dès le premier jour avec 30 fr. de prime, touchèrent le cours de 1,130 fr. Disons-le franchement : cette première impulsion dépassait la mesure. Mais les valeurs de bourse sont comme le pendule qui, lancé avec plus ou moins de force, en revient toujours à ses oscillations naturelles. Le. nombre des actions primitives ayant été triplé en raison de l’accroissement du capital, celle circonstance justifia aux yeux du public l’affaissement de la prime. Depuis cette époque jusqu’au jour où les affaires d’Orient sont venues déprécier toutes les valeurs de bourse, les cours flottaient entre 820 et 880 francs. Les obligations se tenaient entre 1,075 et 1,090 francs. Entraînés dans la déroute générale, les titres divers du crédit foncier subirent une baisse très forte. La reprise ne leur a pas fait regagner, à beaucoup près, ce qu’ils ont perdu, et voici qu’un appel de fonds considérable au profit des petites agences de Marseille et de Nevers suscite à la société principale une rivalité assez inopportune dans l’état actuel de la place.

Malgré les réclames triomphantes, on ne saurait nier qu’il n’y ait en ce moment, dans le monde de la Bourse, quelque indécision à l’égard du crédit foncier. Les spéculateurs de profession se sont attiédis sur un genre d’entreprise dont ils n’apprécient pas exactement le mécanisme et les ressources : disposition fâcheuse, car les impressions superficielles des gens de bourse, propagées dans les causeries intimes, forment en définitive l’opinion de cette classe prépondérante qui alimente les entreprises financières par le placement de ses économies.