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fait usage. Il y a quelques mois déjà, le comte de Rechberg avait été chargé par l’empereur de diviser la Lombardie et de préparer les élémens d’une organisation plus régulière à donner aux provinces italiennes. C’est à la suite de cette mission qu’ont été prises les résolutions récentes. Sans doute, l’état de siège existe toujours, il continue surtout à être appliqué en matière politique ; mais il est restreint à ce genre de crimes et de délits. De plus, le gouvernement général lombardo-vénitien est divisé en deux sections, l’une civile, l’autre militaire, sans cesser d’être sous la direction supérieure du maréchal Radetzky. Au fond, le but que poursuit le gouvernement autrichien, c’est l’assimilation lente et progressive des provinces italiennes au reste de l’empire. L’assimilation matérielle, administrative, il est toujours facile sans doute à un gouvernement fort de l’accomplir ; mais l’assimilation morale est une œuvre un peu plus difficile, quand on se trouve en présence d’un sentiment national aussi vif et aussi profond que le sentiment national italien, et dans tous les cas ce n’est point certainement par la rigueur et l’abus de la compression que le succès peut être considéré comme possible. Pendant que la politique autrichienne semblait ainsi s’adoucir sur un point de l’Italie, des bruits de conspiration couraient à Rome, et de nombreuses arrestations venaient confirmer ces bruits. Les conjurés, à ce qu’il semble, avaient débarqué clandestinement entre Civita-Vecchia et Fiumicino, et avaient réussi à s’introduire dans Rome. Divers papiers auraient été découverts ; un comité de salut public était constitué, un ministère était formé. Voilà malheureusement quels fermens d’incendie couvent sans cesse dans une portion de l’Italie et surtout à Rome. Les artisans de ces désordres et de ces conspirations ne s’aperçoivent pas qu’ils ne font que rendre la situation plus dure, la sévérité du gouvernement plus inflexible, toute réforme plus impossible, et les destinées italiennes plus difficiles à s’accomplir.

Tandis que l’Europe suit le cours de ses affaires, ou soutient comme elle peut le poids de ses complications, il y a un fait singulier qui grandit chaque jour et qui tend de plus en plus à prendre place dans la politique générale : ce fait, c’est l’ambition avouée des États-Unis de s’immiscer dans les questions qui s’agitent en Europe. Cette politique américaine, on l’a vue plus ou moins se dessiner dans diverses circonstances ; on a pu entendre, retentir au-delà de l’Atlantique toutes les déclamations en faveur des opprimés de l’ancien monde. Une circonstance récente vient de fournir encore à cette pensée l’occasion de se produire dans des conditions, certes assez remarquables, qui prouvent que, si les États-Unis entendent faire reconnaître leurs droits comme grande puissance, c’est en respectant aussi peu que possible les droits des autres.

Comme on sait, depuis l’avènement du général Franklin Pierce au pouvoir, M. Soulé, l’un des chefs principaux du parti démocrate américain, a été nommé ministre à Madrid. C’était déjà une mesure étrange, car le nouveau ministre des États-Unis s’était signalé par les plus violentes sorties contre l’Espagne au sujet de Cuba ; mais ce n’est pas tout encore. Il y a peu de temps, M. Soulé était sur le point de partir pour l’Europe, et avant son départ il était l’objet d’une ovation singulière ; celui qui était à la tête de