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vingt pieds d’élévation. On trouve dans les pentes très adoucies de la suite de collines désertes qui avoisinent la cote, de Montalto à Cervetri, des cassures de rocher de quinze à vingt pieds de haut. On a souvent creusé des tombeaux dans ces rochers, en général fort tendres ; mais je ne les crois pas de la même époque ou peut-être du même peuple que les tombeaux de Corneto, qui consistent dans une petite cave recouverte de trois pieds de terre.

Je pars de cette idée : — les Romains cherchaient à montrer leurs tombeaux, les Étrusques à les cacher. Un tombeau, chez les Romains, était une affaire de gloire mondaine ; chez les Étrusques, c’était peut-être l’accomplissement d’un rite prescrit par une religion sombre et jalouse de son empire. Sans ajouter foi à toutes les imaginations dénuées de preuves du célèbre Niebuhr, il reste suffisamment prouvé que vers le temps de la fondation de Rome, l’Étrurie était gouvernée par des prêtres fort jaloux de la petite partie d’autorité qu’ils ne pouvaient se dispenser de laisser aux chefs civils de la nation (les lucumons). Les prêtres étrusques, par exemple, retardèrent beaucoup trop la guerre indispensable que les lucumons voulaient faire à Rome envahissante. Les Romains plaçaient leurs tombeaux le long des grands chemins ; un tombeau romain vise toujours à être un édifice remarquable ; on y mettait une inscription indiquant les choses louables qu’avait faites pour l’utilité de sa patrie le personnage qui y était déposé. Probablement les prêtres étrusques n’admettaient point cette idée mondaine et basse d’utilité ; il fallait obéir aux dieux avant tout.

La plupart des voyageurs ont vu dans les salles du Vatican, et j’ose le dire, avec une sorte de respect, le tombeau de cet ancien Scipion, qui fut consul, censeur, et qui mérita bien de sa patrie. L’inscription qui nous apprend ces choses est tracée en lettres irrégulières et mal formées ; l’orthographe est antérieure à celle de Cicéron, ce qui n’empêche pas un jeune savant français de prétendre que cette inscription a été renouvelée dans les temps du bas-empire ; il est vrai que ce jeune savant, qui sera de l’Institut, n’a jamais vu le Vatican. On voit, par l’exemple de ce tombeau de Scipion et par celui de cent autres moins connus, qu’un tombeau romain fut toujours, même dans les temps les plus voisins de la fondation de la ville, un monument élevé à la gloire toute mondaine d’un personnage plus ou moins marquant par ses exploits ou par ses dignités.

En général, on ne trouve point de tombeaux étrusques au midi du Tibre et point de tombeaux romains au nord de ce fleuve. Un tombeau romain est ordinairement un édifice isolé, haut de vingt, trente ou même soixante pieds, et placé sur le côté d’une voie consulaire, dans une situation apparente. Un Etrusque croyait, au contraire, ne