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vague connaissance qui excitait dans ces deux cours une vive irritation, lorsqu’un événement imprévu renversa par la base l’édifice. Politique dont Louis XIV et Guillaume III venaient, après tant d’efforts et de soins, de poser les fondemens : le prince électoral de Bavière, désigné par eux comme héritier de la couronne d’Espagne, mourut de la petite vérole dans les premiers jours du mois de février 1699. Il fallut chercher une autre combinaison contre les dangers que le premier traité de partage avait eu pour but de prévenir.

La pensée de Guillaume III fut d’abord de substituer l’électeur de Bavière à son fils. Un tel arrangement se recommandait, en apparence par sa simplicité ; il semblait être la conséquence de la stipulation par laquelle on avait décidé que si le prince électoral, après être monté sur le troue d’Espagne, venait à mourir sans enfans, son père lui succéderait ; mais Louis XIV repoussa absolument cette proposition. Il représenta, non sans raison, que l’électeur eut pu sans doute être considéré assez naturellement comme l’héritier de son fils dans le cas où ce dernier serait devenu roi, mais qu’il serait tout à fait arbitraire de le donner pour héritier immédiat à Charles II, avec qui il n’avait aucun lien de parenté, que l’empereur ne se soumettrait certainement pas à l’exclusion dont on voudrait frapper sa famille au profit d’un prince tout à fait étranger à la maison d’Espagne, et que la guerre deviendrait inévitable. Ces considérations étaient péremptoires. Guillaume n’insista pas, et l’on dut aviser à un autre moyen de garantir la paix et l’équilibre de l’Europe.

Ce fut la France qui posa la base de cette nouvelle négociation. L’arrangement proposé par elle consistait, d’une part, à donner à l’archiduc Charles la couronne espagnole avec ses principales dépendances, de l’autre, à étendre dans une certaine proportion les cessions territoriales que le premier traité de partage, avait faites au dauphin. Cette base paraissait conforme à la raison et à l’intérêt public : cependant il devait se passer bien du temps avant que l’on parvint à se mettre d’accord. Le recueil publié récemment des dépêches échangées entre Louis XIV et Guillaume présente ici une lacune considérable, et laisse à peine entrevoir la nature des difficultés qui arrêtèrent pendant plus d’une année une œuvre dont la santé de plus en plus affaiblie du roi d’Espagne rendait l’achèvement si urgent. Ce qui contribua beaucoup à ces lenteurs ; c’est que le secret qui avait facilité la négociation du premier traité n’ayant pu être gardé plus longtemps et l’objet des pourparlers engagés entre les cabinets de Versailles et de Londres étant en quelque sorte devenu public, les gouvernemens étrangers, dont les vues étaient ainsi contrariées, l’Espagne, justement offensée de ce qu’on traitait sans elle de son démembrement, l’Autriche, assez ambitieuse pour aspirer à recueillir