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l’élection de Bulle et contre les faits sanglans qui ont eu lieu le 1er mai. Jusqu’ici, le conseil fédéral a repoussé toutes les plaintes, toutes les protestations des habitans de Fribourg pendant ces dernières années. Il parait cependant s’être ému des scènes de Bulle, de même que des mesures prises par le gouvernement cantonal. Une enquête semble avoir été ordonnée sur tous ces faits. Quoi qu’il arrive, le canton de Fribourg aura fait une longue et dure expérience du despotisme radical.

Dans ce mouvement universel des peuples contemporains, l’Espagne, on le sait, a en ce moment son genre de complications et de difficultés. Elle va de ministère en ministère, sans trop avoir le mot de cette crise des partis et des opinions. Ce qu’on peut remarquer aujourd’hui, c’est un sensible apaisement de toutes les irritations et de toutes les passions qui s’étaient produites récemment, et, il faut le dire, le nouveau cabinet a contribué de tous ses efforts à porter quelque relâchement dans une situation qui a été un moment étrangement tendue. De la réforme de la constitution, il n’en est plus question pour l’instant. Les cortès seront-elles convoquées de nouveau ? Elles le seront sans nul doute, mais on ne sait point l’époque de leur convocation. Dans sa composition même, le ministère n’est pas encore complété ; le ministre des travaux publics n’est point nommé, et M. le comte de San-Luis parait avoir refusé le portefeuille des affaires étrangères, qui avait été d’abord inutilement offert à M. Luis Lopez de la Torre-Ayllon, ministre à Vienne. Tout cela ne constitue pas sans doute une situation très nette et très décidée, cela ne résout aucune des questions qui pèsent sur l’Espagne, mais cela peut aider à éviter les écueils des partis extrêmes. Quoi qu’il en soit, le cabinet de Madrid semble s’appliquer à suivre une voie de modération et de conciliation, et à répondre par sa politique aux besoins les plus urgens du pays. On s’était beaucoup ému depuis quelque temps à Madrid des scandales auxquels auraient donné lieu certaines opérations industrielles. Cette émotion, si l’on s’en souvient, avait même trouvé des organes dans le sénat. Le gouvernement a pris des mesures pour que toutes les opérations de l’industrie fussent soumises à une surveillance rigoureuse, et que la loi leur fût strictement appliquée. Le ministre de l’intérieur notamment, M. Egaña, semble s’attacher à des réformes administratives de nature à simplifier l’action du gouvernement. Il vient de supprimer l’institution des corregidors qui tenait à la fois du maire et du préfet, et qui imposait au budget une charge assez lourde. La politique au reste peut avoir ses difficultés à Madrid ; mais l’Espagne souffre en ce moment d’un bien autre mal. Qui croirait qu’à l’heure actuelle, au milieu de tous les développemens matériels de ce siècle, il y a au-delà des Pyrénées toute une contrée qui est décimée par la famine ? C’est là cependant le fléau qui désole la Galice, et auquel vient s’ajouter une sorte de peste née de la famine même. Tous les villages se dépeuplent ; la mort emporte chaque jour ces populations. Ce triste état est la suite de mauvaises récoltes : mais ne dénote-t-il pas aussi des vices auxquels le gouvernement espagnol doit se hâter de porter remède ? C’est là ce qui doit balancer à coup sur toutes les préoccupations de la politique.

En Turquie, la situation n’a point changé très sensiblement. L’ambassadeur extraordinaire de Russie conserve toujours à Constantinople à peu près la même attitude, avec moins de hauteur toutefois. Qu’a-t-il jusqu’à ce jour