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et que le jeune Raimondi eut occasion de connaître, peut-être même de consulter celui dont à coup sûr il commençait dès lors, sinon à copier, du moins à imiter les œuvres. La Mort de Pyrame et de Tisbé, la première planche que Marc-Antoine ait datée, est de 1505, et dans cette œuvre si imparfaite, d’un dessin si raide, nous dirions presque si barbare, on trouve déjà des réminiscences d’Albert Dürer, notamment la manière dont sont traités les détails de végétation et certains accessoires des premiers plans. Peut-être même parmi les planches non datées, mais très probablement antérieures à celle-là, en pourrait-on citer qui offrent des traces plus anciennes de cette même influence.

Peu importe après tout quel est au juste le moment où Marc-Antoine a commencé ses imitations d’Albert Dürer : avant de s’attacher à ce puissant modèle, il imitait Schongauer et les maîtres de son école ; c’était déjà la même tendance, la même direction d’études, un exercice de même nature. De ce commerce continuel et prolongé avec l’art allemand est venue la vigueur et la souplesse de son burin. Mais à force de s’expatrier ainsi par ses études, était-il devenu lui-même un pur graveur allemand ? Tant s’en faut. Même à cette époque de sa vie où il semble livré corps et âme à l’imitation, il ne perd pas toute originalité. L’Italien se retrouve et reparaît à tous momens : sans cesse il lui échappe des contours arrondis, des airs de tête pleins de noblesse, des extrémités étudiées à la manière antique, des jets de draperies simples et grandioses ; on sent que, tout en suivant ses guides germaniques, il ne perd de vue ni Mantegna, ni Bellini, ni Verocchio, ni l’antiquité. Sa main seule obéit sans regret aux influences étrangères, son esprit hésite, va et vient, résiste et flotte indécis. Il en résulte un mélange continuel des styles les plus opposés, mélange qu’on retrouve dans toutes ses planches de cette première période. Aussi rien de plus difficile que de classer chronologiquement ces planches. À l’exception de celles, en assez petit nombre, qui appartiennent évidemment à la première jeunesse de l’auteur, tant elles sont faibles, non-seulement de dessin et de conception, mais de travail matériel, toutes les autres sont à la fois assez habilement exécutées et assez bigarrées de style et de caractère pour qu’on ne sache comment conjecturer dans quel ordre elles se sont suivies. Celles qui portent des dates, il y en a six environ, loin d’éclaircir le problème, ajoutent à son obscurité. Ainsi parmi les pièces datées de 1506, l’une est du commencement de l’année, du mois de mars ou de mai, l’autre du mois de septembre. La première représente une nymphe surprise par un satyre (n° 319 du catalogue de Bartsch). Le satyre et le paysage, le paysage surtout, sont traités à l’allemande, la nymphe est conçue tout autrement, dans un esprit