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les maçons se montrent en foule, apportant tous une bouchée de terre toute prête. Chacun à son tour s’approche du point à réparer, y applique sa part de mortier et se retire, sans jamais gêner ou retarder ses compagnons. Aussi le nouveau mur avance-t-il rapidement sous les yeux de l’observateur. Pendant ce temps, les soldats sont rentrés, à l’exception d’un ou deux par mille travailleurs. L’un d’eux semble chargé de surveiller les travaux. Placé près du mur en construction, il tourne lentement la tête en tout sens, et chaque deux ou trois minutes frappe rapidement le dôme de ses pinces en produisant un bruit un peu plus fort que le balancier d’une montre. À chaque fois, on lui répond par un sifflement qui part de toutes les parties de l’édifice, et les ouvriers manifestent un redoublement d’activité. Si l’attaque recommence, en un clin d’œil les ouvriers disparaissent et les soldats sont à leurs postes ; si, malgré leurs efforts, on continue à démolir le monticule, ils luttent sans relâche et défendent le terrain pouce à pouce. En même temps, les ouvriers sont à l’ouvrage, masquent les passages, murent les galeries et cherchent surtout à sauver leurs souverains. Dans cette intention, ils comblent au plus vite les salles de service, si bien qu’en arrivant au centre d’un monticule, Smeathman ne pouvait distinguer la cellule royale, perdue au milieu d’une masse informe d’argile. Mais le voisinage de ce palais se trahissait par la foule même des travailleurs et des soldats réunis tout autour et qui se laissaient écraser plutôt que d’abandonner la place. La cellule elle-même en renfermait toujours quelques milliers restés autour du couple royal et qui s’étaient fait murer avec lui. Smeathman les a toujours vus se laisser emporter avec ces objets de leur dévouement et continuer leur service en captivité, tournant sans cesse autour de la reine, lui donnant à manger, enlevant les œufs, et, faute de couvoirs, les empilant derrière quelque morceau d’argile ou dans un angle du bocal qui servait de prison.

Au reste, pour voir les termites, il faut presque toujours détruire leurs ouvrages. Le hasard peut bien faire rencontrer quelque colonie en train de changer de domicile, ainsi qu’il arriva à Smeathman, qui eut ainsi le plaisir de passer en revue une de leurs armées[1] ; mais en général ces insectes ne cheminent jamais à découvert. De chaque nid reposant au niveau ou au-dessous du sol, à quelque espèce qu’il appartienne, rayonnent en tout sens des galeries souterraines qui s’étendent au loin. Le termite des arbres lui-même construit un long tube qui arrive jusqu’à terre et sert de centre à ses chemins couverts. Toutes les espèces ont d’ailleurs les mêmes habitudes ; leurs innombrables

  1. Cette espèce était différente de celles dont nous avons parlé jusqu’ici, et notre auteur lui donne le nom de termite des routes.