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leurs tempes ; les Bengalis ; plus efféminés, plus délicats aussi de formes et de manières, le portent assez ample et roulé par bandes égales. Au pays d’Aoude, qui fut l’un des premiers centres de civilisation de l’Inde ancienne, la coiffure, plus large, se replie gracieusement au sommet. Le turban des Sicks, race guerrière et fière, s’allonge en pointe et affecte la forme du bonnet phrygien ou plutôt celle du casque antique ; celui des Radjpouts, peuple chevaleresque chez qui se conservent les traditions féodales, se relève en bourrelet, comme une couronne. Les belliqueux Mahratles, dont les déprédations s’étendirent jadis sur les riches territoires situés au nord et à l’est de leur pays, aiment à orner leurs têtes brunes d’étoffes aux couleurs brillantes ; ils portent parfois des pièces de mousseline transparente brochée d’or. Quant aux musulmans, ils ont adopté le turban des Mogols ; ils le roulent sur leur front, de bas en haut, en spirales régulières qui se touchent par le bord sans se recouvrir. Un autre signe vous apprendra encore si l’Hindou qui passe près de vous est mahométan ou idolâtre. Celui-ci croise sa tunique sur le côté droit, afin de laisser flotter librement le cordon sacramentel suspendu sur l’épaule gauche ; celui-là agrafe sa tunique du côté du cœur. Fût-il nu, l’Hindou païen se trahira par quelque marque symbolique peinte sur son front, sur sa poitrine ou sur ses bras ; il lui arrive aussi de délier et de secouer au grand air, même sous un soleil de feu, sa longue chevelure graissée d’huile de coco ; le musulman, au contraire, cache toujours sa tête rasée sous les plis du turban, ou sous la calotte de colonnade blanche.

Tous les métiers, toutes les professions qui se développent sous l’influence d’une civilisation avancée, sont représentés sur le sol de l’Inde. La division par castes de ce grand peuple tend même à les rendre héréditaires. Cependant les individus déclassés, qui ne sont ni tenanciers, ni marchands, ni artisans, ni cultivateurs, ni rois, ni portefaix, forment deux grandes catégories, — les cipayes et les munschis, — comme qui dirait les gens d’épée et les gens de plume. Les premiers portent des armes, le mousquet, la lance, la masse de fer ; ils jouent le rôle de concierges aux portes d’un palais, ou celui de gardes d’honneur près de la personne d’un radja ; les seconds ont pour attribut le pacifique calamdan, pareil à l’encrier que les Coptes d’Égypte passent dans les plis de leur ceinture. Le munschi un homme précieux ; avez-vous une lettre à écrire en beaux caractères persans, une lettre fort peu substantielle, comme on les fait en Orient, mais où doivent abonder les métaphores louangeuses et les souhaits empressés ? la fine plume de roseau qui se meut sous les doigts agiles de l’indigène va les tracer comme par enchantement. — Voulez-vous apprendre la langue du pays ? le visage du munschi s’illumine de joie ; les lunettes au nez, le cahier