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aventure, en ajoutant nos propres renseignemens à tout ce que tant de publications récentes ont apporté de neuf et d’inédit sur ce sujet. Comme il ne s’agit point ici d’une invention romanesque, comme le drame domestique où le jeune comte Philippe de Koenigsmark et la princesse Sophie-Dorothée de Celle jouent les premiers rôles se rattache à l’histoire de l’Allemagne au XVIIIe siècle, il importe de bien préciser les faits, d’exposer les personnages et d’établir en quelque sorte la situation.

Vers la fin du XVIIe siècle, la maison de Brunswick, si puissante jadis, avait vu peu à peu son ascendant décroître et pâlir l’éclat de ses destinées. Comme si ce n’était point assez pour elle d’avoir perdu la Bavière et la Saxe, comme si ce n’était point assez de s’être vue réduite à ne posséder plus qu’un coin stérile et chétif du saint-empire, elle vit son reste de puissance s’affaiblir encore par le partage et par toute sorte de divisions en lignes collatérales. En 1681, deux de ces héritiers dépossédés du patrimoine morcelé de Henri le Lion, deux frères, régnaient dans le voisinage l’un de l’autre. À l’aîné, George-Guillaume, étaient échus les petits états de Brunswick-Lünebourg-Celle, tandis que le cadet, Ernest-Auguste, d’abord duc, puis électeur de l’empire, tenait à Hanovre une cour plus brillante et de beaucoup plus renommée en Europe, George-Guillaume, duc de Celle, avait épousé la simple fille d’un gentilhomme français. Mlle Éléonore d’Olbreuse, objet de toutes les prédilections de cette princesse de Tarente autour de laquelle se groupait l’aimable et spirituelle société française réfugiée à La Haye vers cette époque (1665), et dont parle Mme de Sévigné. La femme d’Ernest-Auguste, duc de Hanovre, était cette illustre et docte princesse Sophie, fille de l’infortuné Frédéric V auquel une campagne désastreuse enleva son titre de roi de Bohême et sa couronne héréditaire d’électeur. Sophie était petite-nièce de Jacques Ier, roi d’Écosse et d’Angleterre, et cousine de Charles II, alors en possession du trône de la Grande-Bretagne.

Sans se détester, les deux augustes frères et voisins vivaient en de certaines mésintelligences. George, pour ne pas exposer aux impertinences de l’entourage d’Ernest-Auguste la compagne qu’il s’était choisie et la fille qu’il en avait eue, se confinait dans sa résidence de Celle, affectant de ne jamais mettre le pied à la cour de Hanovre (fût-ce