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moins de 915 kilomètres, sur lesquels 288 seulement sont concédés à une compagnie immédiatement. Pour le reste, l’état se réserve le droit de poursuivre les travaux à son jour, à son heure et selon ses ressources, dans les conditions de la loi du 11 juin 1842 : mesure prudente pour ne point accumuler les dépenses à sa charge et les entreprises alimentées par les capitaux privés. Ces deux chemins, celui du nord de l’Espagne et celui du centre de la France, qui sont le fait industriel le plus saillant de ces derniers jours, ont donc un intérêt de premier ordre, au point de vue politique aussi bien qu’au point de vue du développement matériel. Si la France est lente à entreprendre des travaux qui vont porter au loin son influence, à s’étendre par la navigation, elle agit sur elle-même du moins, et elle agit aussi dans une sphère plus rapprochée, plus dépendante de son action immédiate, — en Afrique.

L’Algérie est un des grands intérêts de la France, après avoir été et en étant encore une de ses gloires. Seulement nous touchons peut-être à la période la plus difficile dans cette œuvre d’assimilation d’un pays comme l’Afrique. Avec de vaillans soldats et des millions versés sans compter, il n’est point impossible de s’emparer d’un pays, de le tenir en respect à la pointe de l’épée ; ce qui est moins facile, c’est d’asseoir sur tant d’élémens rebelles et incohérens un état durable par la civilisation réelle. C’est ici la place du travail, de l’activité pratique, de tous les pacifiques efforts. Nous n’en sommes point à signaler les projets de colonisation dont l’Algérie a inspiré la pensée. D’un de ces projets, on le sait, émanait d’une compagnie genevoise qui sollicitait du gouvernement une vaste concession aux environs de Sétif, dans la province de Constantine. Cette concession vient d’être faite dans des conditions qui ne s’éloignent point essentiellement de celles que nous laissions pressentir. Le chiffre des terrains concédés est de 20,000 hectares. Chaque section de 2,000 hectares dont les concessionnaires seront successivement mis en possession entraîne la création d’un village composé de cinquante familles de cultivateurs européens. Le lot de chaque famille est de 20 hectares. Chaque colon apporte une somme de 3,000 francs, dont une portion est préalablement déposée comme garantie entre les mains du gouvernement, qui la restitue à intervalles fixes. Nous ne pousserons pas plus loin les détails. Du reste, la compagnie genevoise agit sans subvention. Là est le fait remarquable de cette concession. C’est pour la première fois que les capitaux privés ne comptent que sur eux-mêmes pour réaliser une entreprise de ce genre. Jusqu’ici, c’était l’administration qui non-seulement faisait exécuter les travaux d’utilité publique nécessaires à la formation de populations nouvelles, mais qui avait encore à pourvoir aux premiers besoins des colons, à la construction de leurs maisons, à l’achat de leurs instrumens de travail. Ici l’état n’intervient que dans les travaux les plus essentiels d’utilité publique. Un autre caractère de la société nouvelle, c’est qu’elle réunit à notre sens les avantages de la grande concession par l’action, par la responsabilité toujours présente de la compagnie, et les avantages de la petite concession par la répartition des lots entre des colons agissant avec des moyens sûrs, dans un intérêt personnel et par les efforts collectifs de la famille. Qu’on le remarque bien en effet : ce n’est point une