Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/561

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rappelez-vous seulement le plaisir extrême que vous lui avez fait quand vous avez déployé à ses yeux le très beau talent de chanter en dansant comme un ours et claquant vos deux pouces :

Veux-tu, ma Rosinette,
Faire emplette
Du roi des maris ?

Bartholo. — Ce drôle se pendrait plutôt que de manquer de désobliger ceux à qui il peut faire plaisir.

Le comte. — Réellement, Figaro, tu le désoles, et le temps se passe. Ah ça ! dites-moi, docteur, connaissez-vous les choses dont un compliment de clôture doit être composé ?

Bartholo. — Ah ! si je savais aussi bien le faire comme je sais le définir.

Figaro. — Ah ! si je savais courir comme je sais boire, je ferais soixante lieues par heure.

Bartholo. — Je sais qu’il faut invoquer l’indulgence du public, parler modestement de nous, et dire un mot obligeant de tous les ouvrages nouveaux représentés dans l’année.

Figaro. — Voilà le plus difficile. Au gré des auteurs, on n’en dit jamais assez ; au gré du public, on en dit souvent trop.

Bartholo. — Il faudrait trouver le juste-milieu.

Figaro. — Ou n’en point parler du tout. Ma foi, c’est le plus sûr.

Le comte. — N’en point parler serait dur ; mais il suffit de rappeler les ouvrages sans les juger de nouveau. Ce n’est plus à nous à prononcer sur leur mérite. L’adoption que nous en avions faite est la preuve du bien que nous en pensions, et l’œil perçant du public nous dispense ici d’en scruter les défauts. Mais sur les succès même les plus combattus, les plus douteux, nous devons aux ailleurs le juste éloge d’un désir ardent de plaire au public que nous partageons avec eux.

Bartholo. — Eh morbleu ! bachelier, que ne me disiez-vous que vous alliez dire cela ! J’aurais pris la plume, et mon ouvrage serait bien avancé… Vous dites donc ?

Le comte. — Ma foi, je ne m’en souviens plus.

Bartholo. — Quel dommage ! Et toi, Figaro ?

Figaro. — Moi, cela m’a paru fort plat.

Bartholo. — Je le crois, dès qu’il n’y a pas de calembours.

Figaro. — Il est vrai, je ne fais pas autre chose.

Bartholo. — Tâche au moins de te rendre utile une fois en nous rappelant quelles pièces on a données cette année.

Figaro. — On a donné, on a donné…


Ici Figaro, Bartholo et le comte font à eux trois la revue des pièces données en 1775, avec des appréciations de Figaro d’une réserve diplomatique très bouffonne.


Bartholo. — Cela fait pourtant sept nouveautés en dix mois ! Et l’on prétend que nous sommes des paresseux.

Figaro. — Nous en abattrions bien d’autres, si l’on pouvait allier des intérêts inconciliables ; mais pendant que l’homme de lettres qui attend son tour