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retouché pour la première représentation, Beaumarchais, entre ces mots, un mariage inégal, — un passe-droit évident, ajoute de sa main ceux-ci : un jugement inique, qui ont passé dans le texte imprimé. C’est encore le condamné du parlement Maupeou qui proteste et se venge. La phrase d’Almaviva à Figaro : « Sais-tu qu’on n’a que vingt-quatre heures au palais pour maudire ses juges ? » et la réponse de Figaro : « On a vingt-quatre ans au théâtre, » ne se trouvent pas non plus dans le manuscrit de la Comédie-Française. La biographie de Figaro, racontée par lui-même au début de la pièce, a également subi des modifications de détail, entre autres celles-ci. Dans le manuscrit du Théâtre-Français, Figaro disait : « Accueilli dans une ville, emprisonné dans l’autre, et partout supérieur aux événemens… » Dans le manuscrit de 1775, le blâmé du parlement Maupeou ajoute de sa main : » Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là. » Dans la même tirade, Figaro, énumérant les ennemis des gens de lettres, disait : « Les insectes, les moustiques, les critiques, les censeurs, et tout ce qui s’attache à la peau des malheureux gens de lettres. » Dans le manuscrit retouché en 1775, il ajoute un nouvel insecte : « les maringouins. » Cette dénomination burlesque, qui a passé dans le texte imprimé, est évidemment un coup de patte qu’il éprouve le besoin de donner à Marin.

Dans le même manuscrit retouché en 1775, on voit que Beaumarchais désirerait beaucoup changer le nom de ce type de bassesse, de cupidité et d’astuce qu’avant son procès il a nommé Basile : souvent il rature ce nom et le remplace par le nom de Guzman, allusion à Goëzman ; puis enfin, n’osant pas aller jusque-là, il y renonce, rature Guzman et rétablit Basile. Il reprendra plus tard ce nom de Guzman qui lui plaît, rendra l’allusion plus claire en l’appliquant non pas à un musicien, mais à un juge, à un juge non pas astucieux, mais vil, cupide et sot, qu’il appellera don Guzman Brid’oison.

Quelquefois les modifications en 1775 portent sur le caractère de Figaro, auquel l’auteur ajoute des traits de sa propre physionomie, comme dans ce passage intercalé à la première représentation, supprimé après, et qui ne figure ni dans le manuscrit du Théâtre-Français, ni dans le texte imprimé. Bartholo, dans sa dispute avec Figaro, lui disait : « Vous vous mêlez de trop de choses, monsieur. » — Figaro répondait : « Que vous en chaut si je m’en démêle, monsieur ? — Et tout ceci pourrait mal finir, monsieur, reprend Bartholo. — Oui, pour ceux qui menacent les autres, monsieur, répond Figaro. » Ce Figaro qui se mêle de trop de choses, mais qui s’en démêle toujours, offrait avec Beaumarchais une parenté qu’il ne voulait sans doute pas rendre si sensible, et c’est probablement ce qui le détermina à supprimer ce passage.