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Lorsque la restauration tenta rétablissement d’une chambre héréditaire, elle agissait dans le sens de son principe et disposait de toutes les ressources que lui apportait alors le concours empressé des plus hautes illustrations historiques. Cependant telles étaient les difficultés inhérentes à la constitution d’une aristocratie politique en France, même dans les conditions les plus favorables, que la pairie de la monarchie légitime présenta cette étrange anomalie, d’être salariée en face d’une assemblée élective exerçant un mandat gratuit ! Si cette pairie conquit une sorte d’importance sous le roi Charles X, cela tient à ce que les rôles se trouvèrent alors intervertis entre les deux chambres, le principe aristocratique dominant l’assemblée élective, et la chambre haute étant devenue le refuge accidentel de l’opposition.

En se prononçant vivement contre l’hérédité de la pairie sous la monarchie élective, le pays fit une chose parfaitement naturelle. Une société bourgeoise dominée par des intérêts viagers ne saurait enfanter des familles patriciennes. Les talons rouges de la Bourse, de la salle des Pas-Perdus ou de l’Université transmettant à leurs enfans un titre et un blason, c’était là une espérance qu’il fut bizarre de voir se loger dans certains cerveaux démocratiques au lendemain des barricades, lorsqu’on trouvait bon que, sous la menace de l’émeute, la royauté voilât l’écu de ses ancêtres et de la France. L’élection seule aurait permis de reconstituer fortement la pairie ; c’était par ce principe qu’il lui aurait été donné de contrebalancer utilement pour le pays et pour le trône l’ascendant de l’autre chambre. Soit qu’on fit choisir la pairie française, comme le sénat belge, par le corps électoral avec des conditions d’éligibilité différentes, soit qu’on investit les électeurs, comme en Espagne, de la mission de présenter des candidatures à la couronne, ou qu’à l’imitation du mode pratiqué aux États-Unis, on attribuât aux conseils-généraux le droit de composer la chambre haute, soit enfin que, selon la forme indiquée dans la constitution de l’an VIII, on reconnut à cette chambre le droit de se recruter elle-même sur des listes présentées par les autres pouvoirs de l’état, — diverses combinaisons se présentaient assurément pour faire une vérité de cette division du pouvoir parlementaire que chacun acceptait comme un axiome, mais dont la constitution fit un mensonge. Les répugnances du parti conservateur pour toute application du principe électif à la formation de la pairie étaient de l’ordre de celles que ressentait et qu’exprimait si naïvement Ferdinand VII d’Espagne, lorsque, sollicité en 1822 de se prononcer pour le système des deux chambres contre celui de la constitution de Cadix, il répondait qu’il en avait bien assez d’une et n’entendait point doubler ses embarras.

La sinistre lumière de février n’a point été nécessaire pour faire