Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement autrichien et le Piémont. Un certain nombre de ces émigrés lombards, atteints dans leurs biens par le décret de l’Autriche, sont aujourd’hui nationalisés Sardes. Le cabinet de Turin ne pouvait s’empêcher de revendiquer en leur faveur les droits que leur conférait leur nationalité nouvelle. Une négociation modérée sans doute, mais assez vive au fond, s’en est suivie ; des notes diplomatiques ont été échangées, résumant les griefs du Piémont et les argumens de l’Autriche. Jusqu’ici, les négociations ont été infructueuses, et le ministre du roi de Sardaigne près de l’empereur d’Autriche a même quitté Vienne à la suite de cet incident, où le Piémont était appuyé du concours de l’Angleterre et de la France. Ce n’est point une rupture sans doute ; mais enfin, sous une forme modérée, c’est une protestation où l’acte se joint à la parole, si c’est tout ce que pouvait faire le Piémont, C’est aussi le moins qu’il pût faire. Peut-être aujourd’hui l’intervention de puissances amies sera-t-elle plus efficace. D’un autre côté. l’Autriche semble s’être départie de ses rigueurs excessives à l’égard de la Suisse. Le cabinet de Vienne a autorisé les autorités autrichiennes en Lombardie à entrer en communication avec un délégué du gouvernement fédéral, le colonel Bourgeois. Le blocus du Tessin subsiste encore cependant, et la levée de ce blocus ne peut être que le résultat des négociations, sans doute plus heureuses, qui vont se suivre. Voilà le legs de cette triste échauffourée de Milan : le séquestre des bien des émigrés lombards, des difficultés très vives entre l’Autriche et la Suisse, une question des plus délicates soulevée entre le gouvernement piémontais et le gouvernement autrichien !

Ce n’est point le moindre avantage de la Belgique, en échappant à ces influences révolutionnaires, de s’être soustraite aux conséquences qu’elles entraînent souvent. La Belgique est tout entière aux fêtes données à l’occasion de la majorité du duc de Brabant, héritier présomptif de la couronne. Le 9 avril, jour où il atteignait sa dix-huitième année, le duc de Brabant est venu pour la première fois prendre place au sénat et prêter son serment de fidélité à la constitution. Le même jour, chambre des représentans et sénat étaient reçus au palais, divers travaux publics étaient inaugurés par le roi, Bruxelles se remplissait de mouvement et d’illuminations. S’il y a quelque chose de remarquable dans ces fêtes qui ont duré plusieurs jours, c’est leur caractère national. La Belgique, en entourant de son attachement la famille du roi Léopold, reconnaît les services de son souverain, et il y a quelque chose de plus dans ces démonstrations : c’est la confiance en cette monarchie constitutionnelle, qui a résisté aux récentes secousses révolutionnaires et qui se trouve être aujourd’hui l’une des plus vieilles du continent. Le duc de Brabant est le premier défenseur de cette monarchie et de cette jeune nationalité qui doivent un jour se personnifier en lui : c’est là le secret de l’enthousiasme sincère qui s’est propagé de Bruxelles aux provinces de la Belgique. À peine ces fêtes étaient-elles terminées, que le parlement belge reprenait ses travaux. La section centrale de la chambre des représentans chargée de l’examen du projet de loi sur l’organisation de l’armée a pris une décision que faisait pressentir sa composition même. Le gouvernement avait proposé d’organiser pour cent mille hommes les cadres de l’armée permanente. La section centrale vient de rejeter cette proposition et a fixé à quatre-vingt mille hommes