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il est impossible de ne point le remarquer, c’est justement dans ces conditions de liberté, d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs civils, que l’influence des idées religieuses a retrouvé si puissance de notre temps. La note du gouvernement a donc mis fin à l’agitation religieuse sous une de ses formes. Quant aux difficultés qui s’étaient élevées dans L’épiscopat tout entier au sujet de toutes ces questions de l’enseignement des classiques, des doctrines ultra-montaines ou gallicanes, de la presse religieuse particulièrement, elles trouvent leur solution naturelle dans l’encyclique du pape. M. l’archevêque de Paris a même devancé la publication de la lettre du souverain pontife, en levant spontanément l’interdiction qui pesait sur le journal l’Univers. M. l’archevêque de Paris a donné le premier l’exemple de la paix. N’est-il pas seulement à regretter que ses actes, soit qu’il les accomplisse, soit qu’il les retire portent parfois l’empreinte d’une précipitation singulière qui risque de ne point ajouter à leur autorité ? L’encyclique du pape ne sort point sans doute d’une certaine réserve à ce sujet même de la presse religieuse. Il y a cependant une nuance assez sensible en faveur des écrivains mêlés aux polémiques de celle nature où M. l’archevêque de Paris avait vu un danger. Chose toujours fâcheuse, assurément, que ce déplacement de rôles qui semble mettre l’influence et l’autorité là où la dignité ecclésiastique n’est pas ! L’encyclique du souverain pontife est plus nette et plus vive au sujet d’un mémoire qui a fait quelque bruit il y a peu de temps dans l’épiscopat, et qui a trait aux coutumes de l’église gallicane. Comme on voit, c’est toujours au fond la même lutte entre les idées ultramontaines et les idées gallicanes. Heureusement il y a d’un autre côté dans l’encyclique du pape assez de paroles de paix pour tempérer ce qu’il y a parfois d’irritant dans ces débats. Quant à la lutte elle-même, elle ne peut certainement la terminer, parce qu’elle est dans la force des choses, dans les traditions, parce qu’en remontant à cette fameuse déclaration de 1682, il semble toujours peu dangereux de s’égarer sur les traces de Bossuet, de Bossuet à qui, en ce moment même, un monument va être érigé par les soins d’une commission au sein de laquelle M. l’archevêque de Paris ne doit point certainement porter un empressement moins vif que M. l’archevêque de Reims, qui passe pourtant pour ultramontain. C’est là, au reste, un ordre de questions où il est infiniment périlleux d’entrer. L’église elle-même, qu’y trouve-t-elle ? Des germes de scission et d’antagonisme. L’emploi d’un zèle et d’une ardeur qui peuvent à coup sûr poursuivre un but plus efficace et plus fécond par une incessante action religieuse et morale sur la société, sur les masses populaires.

C’est assurément un genre d’influence où l’église vient en première ligne par sa situation et sa mission spéciale ; l’autorité politique ne vient qu’après elle dans cette œuvre moralisatrice, et son action ne saurait avoir la même efficacité. L’autorité politique ne peut que préserver les populations en éloignant d’elles, par de sages et protectrices mesures, les contagions de l’intelligence. C’est dans cette pensée que le gouvernement avait nommé, il va quelques mois, une commission permanente pour l’examen des livres et gravures destinés au colportage. Cette commission n’est point restée inactive, puisque son secrétaire, M. de La Guéronnière, vient de résumer ses travaux dans un rapport à M. le ministre de la police. Il y avait, il faut le dire, dans une telle