Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pur, et qu’ils aient l’espace nécessaire pour se mouvoir, c’est-à-dire un mètre carré par mouton et par porc et de deux à trois mètres carrés par bœuf, on affirme qu’ils se portent à merveille. L’exercice au grand air, qui avait été considéré jusqu’ici comme nécessaire, est regardé maintenant comme une perte qui se manifeste par une diminution de poids.

On ne peut se défendre d’un sentiment pénible en voyant ces pauvres bêtes, dont les congénères peuplent encore les immenses pâturages de la Grande-Bretagne, ainsi privées de mouvement et de liberté, et en songeant qu’un jour viendra peut-être où tout le bétail anglais, qui aujourd’hui s’ébat si joyeusement dans l’herbe verte, sera claquemuré dans ces tristes cloîtres, d’où il ne sort que pour marcher à l’abattoir. Ces fabriques de viande, de lait et d’engrais, où l’animal vivant est traité absolument comme une machine, ont quelque chose de rebutant comme un étal de boucher, et quand on a visité une de ces prisons cellulaires où se confectionne si crûment le principal aliment du peuple anglais, on est rassasié de viande pour plusieurs jours. Mais la grande voix de la nécessité parle ; il faut à toute force nourrir cette population qui s’accroît sans cesse, et dont les besoins s’augmentent plus vite encore que le nombre ; il faut baisser autant que possible le prix de revient de la viande pour s’accommoder aux prix nouveaux et y trouver encore des bénéfices. Adieu donc aux scènes pastorales dont l’Angleterre était si fière et que la poésie et la peinture célébraient à l’envi ; deux seules chances leur restent, c’est que quelque inventeur nouveau trouve un moyen d’élever les produits du pâturage à la hauteur de ceux qu’on obtient par la stabulation, ou que quelque danger de cette réclusion du bétail se révèle par l’expérience. Déjà des plaintes s’élèvent sur la qualité de la viande qu’on fabrique si abondamment par ce moyen ; on dit que les tourteaux lui communiquent un mauvais goût, et que l’excès de graisse des bœufs Durham et des moutons Dishley ne rend leur chair ni très agréable ni très nourrissante. Il est possible que le nouveau système pèche par-là, et que le pâturage, battu pour la quantité, se défende par la qualité de ses produits ; il est possible aussi que quelque maladie nouvelle se développe tout à coup parmi ces races inertes et obèses, et force à leur infuser de nouveau un sang plus énergique. On peut compter, dans tous les cas, que l’ancienne tradition du pâturage ne cédera la place qu’après combat ; si elle est destinée à disparaître, c’est qu’il n’y aura pas eu moyen de faire autrement. Le plus probable est l’adoption d’un système mixte qui cherche à concilier les avantages des deux méthodes.

Non-seulement, et ceci est grave, les animaux nourris à l’étable donnent plus de produits ; mais quand par le pâturage perfectionné