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Qui donc se chargerait de l’éducation des jeunes filles dans l’Archipel, si les sœurs n’étaient là pour suppléer à l’incurie de la Grèce elle-même ? Certes, si l’église catholique cherchait sur ce point à entamer l’orthodoxie grecque, ce serait là un instrument puissant et sûr. Eh bien ! il n’y a pas d’exemple qu’une jeune fille entrée orthodoxe dans ces écoles en soit sortie catholique, N’insistons point, les preuves sont trop évidentes pour tout Hellène de bonne foi.

Il est un autre reproche auquel l’écrivain que nous citons n’échappe point entièrement. Il le sent toutefois, et il se charge de nous rassurer lui-même sur ses véritables intentions. Nous voulons parler du danger des espérâmes trop vives et trop promptes, des combinaisons trop vastes qu’un patriotisme plus ardent que raisonné pourrait inspirer aux Grecs au milieu d’une grande crise en Orient. Si les Hellènes pouvaient nourrir encore quelques illusions sur la nature du concours qui leur est promis du dehors, au moins ne serait-ce point avec la pensée de se plier à la suprématie russe, et de courir au-devant des ambitions qui aspirent à la conquête du Bosphore et des Dardanelles. L’auteur de Quelques mots sur la question d’Orient nous tranquillise pleinement contre ces prétendues tendances de l’église grecque à se fondre dans l’église russe, et c’est par là surtout que sa publication nous intéresse.

Un point essentiel, très bien saisi dans la brochure que nous signalons, domine l’histoire de l’église grecque, c’est l’étroite et intime union de l’intérêt religieux avec l’intérêt national chez tous les chrétiens d’Orient, et en particulier chez les Hellènes. Telle est la véritable cause de la séparation de Byzance et de Rome, de ce grand déchirement du monde chrétien que des querelles théologiques insignifiantes ne peuvent suffire à expliquer. L’église grecque n’aurait-elle rejeté l’autorité du pape latin que pour rechercher la suprématie d’une autre autorité étrangère, d’un pape russe ?

D’abord, répondent immédiatement les Hellènes, il n’y a point, il ne saurait y avoir de pape dans la communion orientale. Il y a bien un primat dans l’église grecque, ajoute l’écrivain dont nous invoquons ici le témoignage, mais ce n’est pas l’empereur de Russie, c’est le patriarche grec de Constantinople. Il est vrai que l’église de Russie est organisée de manière à être un instrument docile dans les mains du gouvernement ; mais sa compétence et son influence ne s’étendent nullement au-delà des limites de l’empire. » « Si les Russes professent le même rite que les Grecs, dit encore le même écrivain, il n’y a pourtant d’autre relation entre eux que celle qui existe entre les coreligionnaires catholiques de races différentes, comme, par exemple, de l’Espagnol à l’Allemand de l’Autriche ou de la Bavière, avec la différence que les derniers ont reçu également le christianisme de Rome, tandis que les Russes l’ont reçu des Grecs. » c’est donc à l’église de Constantinople, non à celle de Saint-Pétersbourg, qu’appartient de droit la suprématie ou du moins la préséance dans la communion orientale. La Russie le reconnaît elle-même, du moins son catéchisme officiel l’atteste, bien loin de se croire, en droit de réclamer le premier rang dans la hiérarchie orientale, l’église russe ne se place, ainsi qu’elle le doit, qu’au cinquième, après le siège de Constantinople et ceux d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem. Le synode de Saint-Pétersbourg ne représente que le cinquième patriarcal de l’église d’Orient, et la préséance est ainsi dévolue de droit, et de l’aveu du catéchisme russe, au