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et fortes paroles pleines de confiance en Dieu et en leur bon droit sur la nécessité d’une énergique résistance. On abandonna cent cinquante-quatre maisons qu’on ne pouvait défendre, on environna le reste de palissades, et, après plusieurs attaques vaillamment soutenues, l’ennemi fut repoussé. Depuis, le repos de la colonie n’a plus été troublé, fin 1847, elle a proclamé son indépendance, qui a été reconnue par la France et l’Angleterre. Le gouvernement est modelé sur celui de États-Unis. Le président actuel, M. Roberts, est venu à Londres et à Paris ; c’est un mulâtre fort intelligent. La république de Libéria occupe un espace de cinq cents milles le long de la cote de Guinée. Peu nombreuse encore, elle étend sa protection et son influence sur plus de deux cent mille natifs qu’elle civilise. Elle a son pavillon, ses douanes, fait le commerce et se livre à l’agriculture ; tous les champs sont bien cultivés. En général, les noirs travaillent ; ils sont heureux de leur condition. L’un d’eux disait : « Ici je suis un homme blanc. » Il y a à Libéria des écoles et des journaux ; on voit que la race nègre affranchie n’est pas partout ce qu’elle s’est montrée à Haïti. L’établissement de Libéria offre plusieurs avantages : il est sur cette partie de la côte un obstacle au commerce des esclaves, il tend à introduire quelque civilisation parmi les populations barbares qui l’environnent, il offre enfin une véritable patrie à des hommes qui, en sortant de l’esclavage, n’en auraient point trouvé aux États-Unis. Malheureusement le remède est bien peu de chose pour l’immensité du mal. Il y a trois millions d’esclaves en Amérique et quelques milliers d’affranchis à Libéria.

Après ma visite aux sucreries, nous sommes venus passer quelques jours à la Nouvelle-Orléans. Ces jours ont été remplis fort agréablement ; nous avons retrouvé avec plaisir l’opéra français et la société française. Un bal chez M. Slidell est ce que j’ai vu jusqu’ici de plus parisien en Amérique. Dans trois salons se pressait un monde fort brillant. Une certaine grâce créole se remarquait chez plusieurs des belles danseuses que j’admirais ; le mélange du sang français et du sang anglo-saxon avait produit de très beaux résultats. Au premier étage nous attendait un souper fort convenablement servi. Malheureusement on n’avait pas compté sur le froid extraordinaire de cette année, et l’on gelait dans l’escalier, car on ne peut s’aviser d’avoir des calorifères sous une latitude qui mûrit la canne à sucre. À cela près, on eût pu se croire dans une élégante maison de Paris, si ce n’est que tout le monde parlait anglais. L’anglais est la langue de la société à la Nouvelle-Orléans. Tous les habitans d’origine française savent, notre langue ; mais on m’assure que leurs enfans commencent à n’apprendre que l’anglais.

La Louisiane a au congrès un représentant français de naissance :