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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mai 1853.

Lorsque des questions graves, qui engagent la paix, la sécurité des peuples, qui remettent en doute toutes les conditions d’équilibre de l’Europe, lorsque ces questions, disons-nous, sont posées, il faut bien qu’elles suivent leur cours. Peut-être eût-il été facile et sage de les éviter et d’épargner au monde une épreuve que rien ne semblait appeler, pour le moment du moins ; mais une fois que ces questions sont posées, des que des gouvernemens ont mis sur elles l’enjeu de leur politique, de leur ambition ou de leur amour-propre, elles ont leurs phases, leurs péripéties et leurs crises inévitables. Elles touchent à trop d’intérêts, et à de trop grands intérêts, pour ne point émouvoir vivement l’opinion publique. Il n’y a plus guère qu’une chance pour qu’elles reviennent à des proportions plus simples et plus raisonnables, c’est qu’elles atteignent à leur développement extrême, parce qu’alors il y a dans leur excès même quelque chose qui arrête tout le monde. Les affaires d’Orient en sont depuis quelque temps le plus frappant exemple. Tous les regards sont tournés vers Constantinople, comme pour en attendre la paix ou la guerre. Tous les cabinets, tous les loyers de crédit public ressentent l’influence des nouvelles qui se succèdent. Si on pouvait se demander, il y a quelques semaines, quelle était la véritable nature de la mission du prince Menschikoff à Constantinople, on peut se demander aujourd’hui quelle sera la suite de cette sorte de rupture diplomatique qui vient d’éclater entre la Russie et l’empire ottoman. Tel est, pour le moment, l’état des complications récemment survenues à Constantinople.

On sait comment cette question orientale avait pris tout à coup un aspect menaçant par la mission du prince Menschikoff. Ce qu’il y avait de mystérieux et d’extraordinaire dans cette mission ne faisait qu’ajouter à l’impression profonde causée en Europe, on s’était accoutumé cependant, la première émotion passée, à croire que l’intention du tsar avait pu être moins d’obtenir des résultats effectifs immédiats que de produire un grand effet moral. L’événement démontre que les hypothèses les plus graves n’étaient pas les moins fondées. Si la question des lieux saints avait une place dans les instructions du prince Menschikoff, il est évident aujourd’hui qu’elle n’était pas la plus sérieuse, quelques négociations ont suffi pour régler cette difficulté. Nous ne