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On ne s’étonnera pas de cette théorie toute positive dans une esthétique écrite aux États-Unis. « Que ferions-nous, dit-il, dans notre âge utilitaire, de constructions religieuses tellement vastes, qu’au-dessus pût s’établir, comme à Luxor, un village avec ses habitans[1] ? » Ainsi voilà les vastes monumens religieux supprimés ; il suffit que dans chaque église il y ait de quoi placer les banquettes de la congrégation. L’auteur ajoute avec un sens tout pratique : « Les trésors que les Égyptiens prodiguaient pour la sépulture des morts, nous aimons à les approprier, ce qui est certainement plus sage, au comfort des vivans. » Les Égyptiens, selon Hérodote, disaient en effet que, la vie étant passagère, il fallait bâtir des maisons fragiles, et la mort étant pour toujours, des tombeaux éternels. Les Américains ne pensent pas ainsi : les Égyptiens étaient le peuple de la mort, ils sont le peuple de la vie. M. Owen dit encore : « L’architecture des États-Unis, née à la fois dans des climats éloignés et divers, doit s’écarter d’un type uniforme et se faire remarquer par sa variété. » Je ne trouve pas qu’il en soit ainsi : les américains reproduisent au contraire partout le même type de construction ; ils ont comme une ville stéréotypée qu’ils portent avec eux ainsi qu’une tente, et qu’ils dressent à l’est et à l’ouest, au nord et au midi. Enfin, de la liberté qui règne aux États-Unis, l’auteur conclut qu’il doit y avoir dans les monumens une certaine indépendance des différentes parties[2], dispensées, par le principe du self government sans doute, de correspondance et de symétrie.

Je ne crois pas à cette architecture de la liberté, et quelle que soit la tendance des états à ne point se subordonner les uns aux autres, je crois qu’il y aura toujours dans l’architecture des parties subordonnées, et je désire que l’absence de centralisation ne se traduise pas dans l’art par une incohérence qui le perdrait.

J’ai été heureux de rencontrer dans le secrétaire de l’institut de Smithson, M. Henry, l’homme qui en Amérique s’est occupé de l’électro-magnétisme avec le plus de suite et de succès. La théorie de l’électro-magnétisme, créée par mon père, m’inspire un intérêt bien naturel pour tous ceux qui ont marché sur ses traces. Un grand plaisir m’attendait à Washington, celui de trouver, dans une déposition judiciaire faite par M. Henry à l’occasion d’un procès où il s’agissait de se prononcer sur les droits de M. Morse à la découverte du télégraphe électrique, un hommage à la mémoire de mon père. Dans cette déposition, M. Henry a tracé l’histoire des découvertes électro-magnétiques, sans lesquelles, comme on sait, la télégraphie

  1. Ce n’est pas à Luxor qu’un village a été construit sur la plate-forme d’un temple égyptien, c’est sur la rive opposée du Nil, à Medinet-Abou.
  2. No forced inexorable correspondence of parts.