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cinquante points différens, des rapports mensuels lui sont transmis.

Un physicien distingué, M. Hare, a donné à l’institut une fort belle collection d’instrumens de physique. Dans un rapport que j’ai sous les yeux, je lis ces paroles : « Il ne serait point conforme à l’organisation qu’a reçue cet établissement de réserver l’emploi des instrumens aux personnes qui en font partie. On permettra l’usage de ces instrumens, sauf certaines restrictions, à tous ceux qui sauront s’en servir. Il peut en résulter que des instrumens seront perdus ou brisés ; mais la diffusion et le progrès de la science qui résulteront de cette manière d’agir compenseront largement les frais qu’elle pourra entraîner. » Cela est libéralement pensé, et rappelle le mot de sir Joseph Banks, qui avait aussi ouvert son cabinet de physique à ceux qui voulaient y expérimenter. Un jour le gardien vint tout en colère lui apprendre qu’un instrument de grand prix avait été cassé par un jeune homme ; sir Joseph se contenta de répondre en souriant : « Il faut que les jeunes gens cassent les machines pour apprendre à s’en servir. »

La collection d’histoire naturelle s’est élevée en une année à dix mille individus : ce sont surtout des poissons et des reptiles. Parmi les derniers figurent ces êtres curieux, appelés salamandroïdes, qui participent de la nature de deux classes d’animaux, qui ont des pattes comme les reptiles et des branchies comme les poissons. La collection renferme, m’a-t-on dit, plus de cent espèces propres à l’Amérique, et qui n’ont pas encore été décrites. Il est à regretter qu’une institution si sage soit logée dans un édifice si excentrique. C’est un nouvel exemple de cette singulière architecture qui prodigue hors de propos les créneaux, les tourelles et les ogives, et ici l’emploi en est d’autant plus à regretter, qu’il a coûté fort cher, que presque tout l’intérêt du fonds légué à l’établissement a été employé à bâtir ; cette somme eût été beaucoup mieux dépensée, si on eût construit un bâtiment plus simple et publié un certain nombre d’ouvrages de plus. On a fait comme pour le collège Girard, et l’on n’a pas élevé un monument qui vaille le palais de Philadelphie.

J’ai déjà eu occasion de parler de ce mélange de styles que les Américains se permettent, et que même ils semblent rechercher dans leur architecture. Je trouve ici un ouvrage où cette doctrine, à l’occasion de l’institut de Smithson, est exposée systématiquement. L’auteur, M. Owen, a fait de cet éclectisme la loi de l’architecture américaine ; il cherche quelles doivent être les autres conditions de cette architecture : partant de la nature du pays et du peuple, il arrive, par une argumentation ingénieuse, à de singuliers résultats. D’abord l’auteur pose en principe que l’architecture est un art d’utilité, qu’il n’y a pas d’excellence abstraite, parce qu’il n’y a pas de convenance absolue.