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Ce qui affaiblissait encore la situation de Guillaume, c’est qu’il n’avait pas d’enfans, c’est que, bien qu’il fût d’un âge peu avancé, l’état de sa santé ne permettait guère d’espérer qu’il pût vivre longtemps, en sorte que les ambitieux étaient naturellement portés à tourner leurs calculs vers de nouvelles combinaisons.

Ces diverses circonstances n’influaient pas seulement sur les dispositions du peuple anglais : plus ou moins connues des cabinets européens, elles ne pouvaient manquer de susciter des obstacles à la politique extérieure du cabinet de Londres. La cour de Vienne, voulant empêcher la conclusion du second traité de partage, représentait à l’ambassadeur de France que le roi d’Angleterre avait contre lui, dans son pays même, l’opinion publique, qu’il était mal avec le parlement, que sa santé ne valait guère mieux que celle du monarque espagnol, et que par conséquent il n’y avait pas de sûreté à se lier avec lui. Louis XIV de son côté, étudiant soigneusement le mouvement des affaires intérieures de l’Angleterre, s’efforçait d’en tirer avantage dans les négociations. Comme le lui recommandait le comte de Tallard, il évitait, autant que cela pouvait se concilier avec l’ensemble de ses projets et de ses vues, tout ce qui eût été de nature à inquiéter les Anglais, tout ce qui, en leur donnant l’idée qu’il méditait des entreprises dangereuses pour leur religion, leur liberté ou leur commerce, eût pu empêcher le parlement de refuser, comme il y était disposé, les subsides et les soldats demandés par Guillaume. Par momens, le cabinet de Versailles, — s’exagérant les difficultés contre lesquelles ce prince avait à lutter, ou plutôt, car il n’était guère possible de se les exagérer, ne rendant pas suffisamment justice à son énergie, à ses ressources personnelles et à la dignité de son caractère, — croyait entrevoir la possibilité de reconquérir sur le gouvernement britannique l’ascendant que des conjonctures semblables lui avaient permis de prendre au temps de Charles II. Louis XIV eut un instant la pensée de venir pécuniairement en aide à son glorieux adversaire, mais de plus mûres réflexions l’empêchèrent d’y donner suite. Une idée plus étrange encore, qu’on s’étonne de voir suggérée par un homme aussi judicieux que le comte de Tallard et que le cabinet de Versailles adopta avec empressement, c’est celle de proposer à Guillaume, comme moyen d’affermir son autorité en conciliant les partis, l’adoption du prince de Galles, fils de Jacques II. L’argument principal qu’on alléguait pour appuyer cette proposition était curieux : Guillaume, disait-on, serait moins exposé à voir son trône renversé par quelque nouveau caprice de la légèreté du peuple anglais, lorsque ce peuple aurait à craindre qu’il ne fût remplacé par un successeur catholique, comme si la révolution qui eût emporté le roi régnant n’eût pas dû emporter, à plus forte raison, les droits de son