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cependant de poser des limites à l’extension de ce système. De nouvelles concessions de terres ne manqueraient point de doubler l’équilibre du budget colonial, et ce ne serait pas encore le plus grave inconvénient d’une pareille mesure. Quand les chambres hollandaises, effrayées des charges de la métropole, semblaient accueillir avec une certaine faveur le projet d’amortir la dette publique par la vente de terrains considérables à Java, un ministre dont la voix éloquente avait acquis le droit d’être écoutée, M. Baud, repoussa énergiquement cette idée funeste. Il montra que le système de M. Van den Bosch reposait sur la coopération de la haute et de la petite aristocratie javanaise, que la cession des terres à des propriétaires européens aurait au contraire pour résultat l’exclusion et l’abaissement de ces classes intermédiaires. En échange de l’appui que l’aristocratie lui prête, le gouvernement hollandais souffre qu’une partie de l’impôt foncier soit interceptée en passant par les mains de ceux qui le perçoivent. Il accepte sans murmure ces inévitables réductions de profits. Le propriétaire particulier, au contraire, ne voit dans la classe des chefs de village que des parasites qui dévorent une partie de ses revenus. Pour lui, l’organisation municipale ne peut être qu’un obstacle. Aussi s’applique-t-il à la faire disparaître de ses domaines. Le système des cultures n’attaque sur aucun point les institutions indigènes. Celui des grands propriétaires, s’il recevait de nouveaux développemens, porterait à ces institutions la plus sérieuse atteinte. « Je puis comprendre, disait M. Baud, une réforme sociale qui ouvre dans l’avenir à chaque Javanais la perspective d’entrer en possession de la rizière dont il n’est quant à présent que l’usufruitier. Je n’en saurais admettre qui réduise les régens à ne plus être que les intendans salariés des capitalistes européens. »

La grande ambition de L’officier de marine, dès qu’il a touché terre, c’est de monter à cheval, de tourner le dos au rivage, de s’enfoncer dans l’intérieur du pays aussi loin qu’il lui est permis d’y pénétrer. On dirait, qu’il cherche, comme Ulysse, un homme qui puisse prendre une came pour une pelle à four. Tous les officiers de la Bayonnaise auraient donc accueilli avec joie le projet de visiter la résidence des Preangers : mais deux voitures voyageant à la fois eussent couru le risque de manquer trop souvent de chevaux. Il fallut donc nous résigner à nous séparer à Buitenzorg. Trois d’entre nous prirent avec M. Burger le chemin des Preangers, le reste de notre caravane, dut retourner à Batavia.

La résidence des Preangers a prés de 21,000 kilomètres carrés de superficie. C’est une province dont l’étendue est peu inférieure à celle de la Sicile. Dans la population des Preangers, le mélange du sang hindou se trahit moins que chez les habitans de la partie orientale de Java. Cette population se rapproche davantage de la race malaise,