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où ils réussirent à merveille. Le docteur Burger partagea, si ma mémoire est fidèle, avec M. van Siebold l’honneur de doter l’île de Java de cet utile arbuste. Des plantations de thé considérables furent bientôt établies dans les environs de Batavia et dans les districts montagneux des Preangers. On fut obligé de chercher, en s’élevant à 15 ou 1,800 pieds au-dessus du niveau de la mer, une température qui se rapprochât de celle que le thé rencontre dans les provinces septentrionales du Céleste Empire, et encore, à cette hauteur, le climat de Java conserve trop d’énergie ; le sol, engraissé par des détritus séculaires, a trop de puissance. Non-seulement l’activité de la sève donne naissance à des feuilles charnues et grossières, mais la présence d’un printemps perpétuel tient sans cesse le cultivateur en haleine et le contraint à épier d’un bout de l’année à l’autre le moment où les bourgeons vont éclore. Au lieu de pouvoir, comme en Chine, laisser, quand vient le mois de la verdure, des troupes de moissonneurs s’abattre au milieu des buissons qu’une seule nuit a couverts de feuilles, il faut à Java faire pour ainsi dire chaque jour une cueillette partielle ; il faut choisir les bourgeons les plus tendres, les pousses les plus délicates. De là naturellement un surcroît de main-d’œuvre qui tend à élever le prix du produit dont on s’était flatté d’enlever le monopole à la Chine. Le district de Pondok-Guédé est sans contredit un de ceux où la culture du thé a été dirigée avec le plus d’intelligence, où la manipulation, confiée à des Chinois de Chin-tcheou et d’Amoy, s’écarte le moins possible des procédés usités dans la province du Fo-kien. Les résultats cependant laissent encore beaucoup à désirer. Le thé de Java, d’un goût astringent et d’un faible arôme, se consomme en Europe grâce aux soins frauduleux qui en dissimulent l’origine ; mais il n’est point un habitant de Batavia qui ne lui préfère le sou-chong ou le pe-koe le plus inférieur de la Chine. Les Hollandais, avec leur ténacité habituelle, n’ont point voulu perdre tout espoir ; ils comprennent quelle source de prospérité s’ouvrirait pour leurs colonies, s’ils pouvaient y développer une culture à laquelle la Chine doit un revenu annuel de plus de 200 millions. Aussi ont-ils voulu multiplier les essais avant de se tenir pour battus. Si la nature n’oppose à leurs desseins clés obstacles insurmontables, le thé hollandais pourra devenir dans quelques années, comme le café des Preangers, une branche de commerce importante. L’île de Java ne produit aujourd’hui que 100 ou 150,000 kilogrammes de thé. Ce chiffre serait aisément décuplé le jour où l’on obtiendrait une amélioration sensible dans la qualité des produits[1].

Plus de succès semble avoir suivi l’introduction du nopal et de la

  1. M. Burger doutait que l’on parvint jamais à obtenir du thé de qualité supérieure sous les tropiques. Il croyait que les Anglais, occupés de semblables essais dans l’Inde, n’y réussiraient pas mieux que les Hollandais n’avaient réussi à Java ; mais une opinion qu’il m’a souvent exprimée et que je crois fondée, c’est que la culture du thé conviendrait merveilleusement au sol et au climat de l’Algérie. Resterait à savoir si les frais de main-d’œuvre permettraient à ce thé exotique de supporter la concurrence du thé de la Chine.