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elle peut suffire pour expliquer la supériorité de produit des terres en Angleterre, malgré l’infériorité naturelle du sol et du climat ; la fertilité acquise y supplée. Elle a déjà constitué un capital foncier proportionnellement très supérieur et qui grossit toujours.

Trois sortes de capitaux concourent au développement de la richesse agricole : 1° le capital foncier, qui se forme à la longue par les frais de tout genre faits pour mettre la terre en bon état ; 2° le capital d’exploitation, qui se compose des animaux, des machines, des semences, et qui s’accroît en même temps ; 3° le capital intellectuel, ou l’habileté agricole, qui se perfectionne par l’expérience et la réflexion. Ces trois capitaux sont beaucoup plus répandus en Angleterre qu’en France. Pourquoi ? Nous nous le demanderons bientôt, et nous nous étonnerons alors que la supériorité des Anglais ne soit pas encore plus marquée. Nous avons racheté par la fécondité naturelle de notre sol, par le travail persévérant de notre population et par l’esprit d’invention individuelle qui la distingue, une partie de ce qui nous a manqué. « Mon Dieu, disait Arthur Young dans son langage original, en traversant en 1790 nos pauvres campagnes, donne-moi patience pour voir un pays si beau, si favorisé du ciel, traité si mal par les hommes. » Il ne dirait pas tout à fait la même chose aujourd’hui, ou du moins il ne pourrait le dire que des portions les plus arriérées de notre territoire. On pourrait lui montrer des provinces entières presque aussi bien cultivées que sa chère Angleterre, et partout les élémens du progrès prêts à éclater. Malheureusement le plus grand nombre végète encore ; mais ce sont les circonstances favorables qui ont fait défaut.


III

Pour donner le dernier trait à ce tableau, il reste à nous demander comment se partageait, avant 1848, le produit brut que nous venons d’indiquer, c’est-à-dire quelle était, sur ces 5 milliards de valeur nominale, déduction faite de l’impôt et des frais accessoires, la part qui revenait aux propriétaires du sol, ou la rente, — celle qui payait les peines et rétribuait le capital des fermiers, ou le profit, — et celle qui servait à rémunérer le travail manuel proprement dit, ou le salaire. Quand nous aurons fait le même travail pour la France, notre comparaison entre les deux agricultures sera complète.

Avant tout, la part qui se prélève pour les dépenses générales de la société, ou l’impôt. — Beaucoup d’erreurs ont été répandues et sont encore accréditées en France sur le système d’impôts qui règne en Angleterre. On croit assez généralement, sur une fausse apparence,