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qu’un orateur docte et véhément est venu proclamer avec hardiesse et développer avec un incontestable talent cette réhabilitation de la scolastique, lorsqu’il est venu dire à la face du siècle ce qui se murmurait sans doute dans les séminaires, je ne sais s’il a satisfait, mais il a certainement rencontré un besoin réel ; à des esprits incertains et curieux, il a offert une ressource qu’ils cherchaient vaguement, et peut-être a-t-il paru combler le vide en le signalant. S’il n’eût fait que porter une nouvelle accusation de fragilité contre la philosophie, il répétait un lieu-commun du temps, et peut-être avec moins de subtilité et de force que certains de ses prédécesseurs. Ceux-ci avaient plus réfuté qu’enseigné, plus détruit qu’édifié ; ils s’efforçaient de faire le vide dans la science et ne le remplissaient pas, et ce n’est pas le moindre mérite du nouveau prédicateur que d’avoir osé dire ce qu’ils osaient à peine penser.

Voici donc les points capitaux traités dans ses conférences de l’Assomption : d’abord la comparaison entre la raison philosophique et la raison catholique, distinguées profondément et opposées l’une à l’autre, tant dans leurs principes que dans leur méthode ; la première condamnée par ses œuvres dans les temps anciens et modernes, et la seconde justifiée par les siennes dans les temps catholiques et par les caractères de l’enseignement de l’église dans tous les temps ; enfin l’exposition de quelques points de doctrine pouvant servir de preuves et d’exemples, qui sont, en philosophie, la nature de l’âme et l’origine des idées, — en théologie, la Trinité, l’incarnation et la rédemption, que l’auteur appelle à dessein la restauration de l’univers.

Traiter toutes ces questions serait infini ; nous nous bornerons à juger, selon nos lumières, la partie polémique, puis la partie dogmatique, non pas de la théologie, mais de la philosophie, et nous terminerons par quelques réflexions sur la révolution qu’on a voulu opérer de nos jours dans la manière de défendre la religion.


I

La polémique du père Ventura est toute moderne. C’est au fond l’acte d’accusation si connu contre l’instabilité de la philosophie. Les motifs ne manquent pas, et le grief n’est pas neuf. Ce qui est, non pas nouveau, car les pyrrhoniens l’avaient fait, mais caractéristique, c’est d’induire de la diversité des systèmes l’incertitude universelle, en essayant de faire ensuite en faveur du dogme une exception subreptice à l’universel. Cette doctrine, si c’est vraiment une doctrine, le père Ventura l’établit par des argumens qui ressemblent fort à ceux de l’auteur de l’Essai sur l’Indifférence, et il se persuade qu’il répète saint Thomas d’Aquin. Faire remonter sa doctrine du