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Mais si l’oraison funèbre d’O’Connell fit connaître au public un prédicateur dont le nom lui était nouveau, ce nom n’était pas ignoré de ceux qui suivaient avec quelque intérêt dans tous les pays l’enseignement de la philosophie. On savait, du moins on pouvait savoir que le père Ventura avait de bonne heure porté son attention sur ceux de nos écrivains qui ont, dans les commencemens du siècle, paru défendre la cause de l’église, et qu’un de ses premiers travaux avait été la traduction de la Législation primitive. On savait qu’il s’était formé par l’enseignement à la prédication, et qu’il avait professé la philosophie théologique à Rome dans un des premiers établissemens du monde catholique. Lors donc que la révolution romaine eut perdu la cause même pour laquelle elle était entreprise, lorsque ce triste dénouement amena en France l’ancien général des théatins, qui se rencontra parmi les vaincus sans avoir été du nombre des combattans, il parut parmi nous précédé d’une double renommée, celle de l’orateur et du théologien. Un curieux empressement réunit un nombreux auditoire autour de sa chaire, et, après un premier mouvement de surprise causé par des formes toutes méridionales, par un accent inaccoutumé qui était cependant comme un souvenir de Saint-Pierre de Rome, on se fit à sa manière franche et animée ; on lui trouva une facilité abondante, toute la passion compatible avec la sainteté du ministère ; on lui trouva enfin, chose assez rare, une éloquence naturelle dans une langue étrangère. Depuis vingt ans, l’art de la prédication s’est relevé parmi nous, et notre église a donné aux Bourdaloue et aux Massillon d’honorables successeurs. Nous ne serons pas ingrat envers le talent dont ils ont fait preuve (comment le serions-nous ? nous aimons le talent de la parole, et il devient si rare !), mais ils nous permettront de leur dire que le succès du père Ventura est dû à des qualités qui méritent d’être étudiées. D’abord nulle affectation ; point de trace des idées et des formes de la littérature à la mode ; de la simplicité et du mouvement, ce qui prouve ou ce qui vaut l’improvisation ; une mémoire vaste et présente, un habile emploi des autorités, un choix heureux des textes sacrés, une connaissance méthodique des questions, enfin les apparences pour le moins d’une science positive qui rassure l’auditeur ému par le talent et laisse une instruction dans la pensée après que l’émotion a disparu. Nous avons maintenant sous les yeux ses paroles fixées par l’impression. Hors de la scène animée où elles ont été entendues, elles doivent perdre beaucoup de leur mérite et de leur effet. Quoique jamais Sicilien n’ait manié notre langue avec cette justesse et cette clarté, le style n’atteint pas, on doit s’y attendre, à l’élégance parfaite, à la dernière précision, et les beautés d’expression sont rares. De l’éloquence il ne reste que les mouvemens ; mais