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future vice-royauté étaient même déjà désignés par la rumeur publique, ce qui, vu quelques-uns des noms mis en avant, ne pouvait être évidemment qu’une calomnie à l’égard du gouvernement et à l’égard des hommes ainsi désignés. Autant qu’on en puisse juger d’après les apparences actuelles, rien ne semble, pour le moment, aussi avancé qu’on a pu le croire. Ceci est en quelque sorte le côté purement politique des affaires de l’Algérie. Mais le gouvernement paraît en même temps porter son attention sur bien d’autres matières : il s’occupe, dit-on, d’une réorganisation judiciaire de l’Algérie. Une des plus graves réformes qui se préparent est celle de l’impôt foncier sur les indigènes, impôt dont l’assiette varie jusqu’ici selon les lieux, selon les tribus, et qu’il s’agirait d’établir sur un plan plus uniforme et moins incertain. Et au-dessus de ces divers projets administratifs, il reste enfin la grande affaire de l’Algérie, la colonisation.

Comment arrivera-t-on à peupler l’Afrique ? Comment le travail et l’industrie parviendront-ils à transformer ce sol et à s’approprier ses immenses ressources ? Ce n’est pas qu’à ce point de vue même l’Algérie n’ait fait déjà de notables progrès : on en pourra mieux juger quand le gouvernement aura mis au jour les résultats du mouvement commercial de la colonie en 1852 ; mais le problème de la colonisation reste évidemment entier encore. Or c’est ici que les projets abondent sous toutes les formes. Il y en a de très gigantesques, et il pourrait bien y en avoir aussi de très chimériques. On a parlé d’une puissante compagnie qui se formerait à l’instar de la compagnie anglaise des Indes, et qui se chargerait exclusivement de la colonisation algérienne. Elle demanderait le monopole de l’exploitation des mines, des forêts, de toutes les industries en un mot, sans compter l’exploitation agricole. Il y a une condition qui n’est point de nature, ce nous semble, à faire réussir l’entreprise, c’est que le gouvernement devrait garantir un minimum d’intérêt. Selon un projet différent, l’état, agissant directement, devrait jeter en Afrique cinq cent mille hommes et 500 millions ; mais pense-t-on qu’il soit très facile de trouver ces 500 millions et ces cinq cent mille hommes ? L’état peut beaucoup, il ne peut pas tout cependant. Cela ne veut point dire qu’il doive se mettre à l’écart et laisser tout à faire à l’effort individuel, qui, livré à lui-même, serait impuissant ; cela veut dire que le meilleur système de colonisation est peut-être celui qui exclut tout esprit de système, qui combine l’intervention de l’état avec l’effort individuel. Il est le meilleur parce qu’il est le plus pratique, parce qu’il tient compte de tous les élémens et se prête aux tentatives les plus variées.

Voilà donc quelques-uns des projets les plus récens nés de cette préoccupation très vive des destinées de l’Algérie. Il en est encore d’autres pourtant qui ne sont pas même tous éclos en France. Ainsi il s’est formé à Genève une compagnie dont les propositions sont actuellement soumises au gouvernement français, qui ne semble point éloigné de les accepter. La compagnie genevoise demande une concession de 20,000 hectares aux environs de Sétif. Cette concession sera faite par annuités, à raison de 2,000 hectares par an. La compagnie, quant à elle, s’engage à construire un village de cinquante feux sur chacune de ces portions de 2,000 hectares. Elle déposera au besoin, pour chaque colon, la somme de 3,000 francs que celui-ci devra